A propos du comportement du genre Macropharyngodon
Texte et photos: Prof. Dr. Ellen Thaler
Au total le petit genre
Macropharyngodon ne comporte que dix ou onze esp?ces (Kuiter 1986),
il s'agit donc d'un petit groupe de poissons restreint, qui peuple l'ensemble
de l'Indo-Pacifique et qui pr?sente des ressemblances avec le genre Halichoeres.
Cependant toutes les esp?ces de Macropharyngodon restent petites,
entre dix et douze centim?tres, seul M. geoffroyi atteint une taille
corporelle de 16 centim?tres. Elles poss?dent toutes des caract?res concordants,
marquants : le patron des femelles et des juv?niles pr?sente un dessin de
taches plus ou moins denses, souvent tr?s color?es, les m?les terminaux
(m?les secondaires) ont une coloration partiellement ou compl?tement diff?rente
et sont toujours pr?sent?s dans la litt?rature r?cente avec d'autres noms
d'esp?ce (par exemple Burgess et al. 1990). Le mode natatoire que Kuiter
(1986) d?crit comme "nage en avant et robotis?e montante-descendante", est
tr?s caract?ristique. Il s'agit d'une technique de confusion raffin?e,
qui rend invisibles essentiellement les juv?niles d?rivant entre les prairies
et les morceaux d'algues berc?s par le courant. Des poissons adultes montrent
toujours cette nage oscillante avant l'enfouissement du soir sur le lieu du
sommeil, certaines zones partielles sont ?galement utilis?es durant la pariade
et comme danse du ventre tranquillisante face au partenaire.
Macropharyngodon bipartitus - M?le avec canine visible |
Canines rallong?es
Tous les m?les terminaux portent ? la m?choire sup?rieure des canines
fines comme un cheveu, extr?mement allong?es, qui d?passent comme des pics
la m?choire inf?rieure. Elles sont ? peine ?voqu?es dans la litt?rature,
n'ont certes g?n?ralement pas ?t? remarqu?es, seul Smith & Heemstra 1986
, Kuiter 1986 et Göthel (1994) les ont d?crites. Leur fonction lors
des combats entre rivaux a ?t? suppos?e. Göthel estime qu'elles constituent
la base du nom grec du genre, mais celui-ci signifie en fait "dents pharyngiennes"
et fait allusion aux dents pharyngiennes en forme de plaques ?galement pr?sentes,
mais qui ne sont d'aucune fa?on plus grandes que chez beaucoup d'autres genres
de labrid?s. Peut-?tre que Bleeker 1861 a quand m?me pens? aux canines
lors de la premi?re description taxonomique ?
Approche natatoire agressive
Macropharyngodon: T?te pr?par?e. La canine est nettement visible. |
Justement ces canines
ont ?t? ? l'origine d'une grande surprise. Elles commencent d?j? ? pousser
avant que le changement de couleur des femelles (ou des m?les primaires ?)
en m?le terminal n'ait lieu et cette phase s'accompagne ?galement de modifications
?videntes de comportement. Un animal se d?tache d'un groupe de poissons
(je maintiens toujours trois ? cinq animaux) de m?me rang et de m?me taille,
qui se maintient alors un peu ? l'?cart, mais qui nage toujours vers les
autres de mani?re agressive, les pourchasse un peu et s'en ?carte de nouveau
imm?diatement. Ceci peut se reproduire de nombreuses fois voire des centaines
durant la journ?e (Tahler 1995 a, b, 1997). Cette modification de couleur
et de corps du m?le en devenir se d?roule relativement lentement (onze ?
au maximum 90 jours). D'abord la coloration de la nageoire ventrale et anale
se transforme, en dernier la nageoire dorsale et caudale, en m?me temps avec
la totalit? de la coloration corporelle, qui comporte selon l'esp?ce un
patron de rayures (M. bipartitus, M. negrosensi, M. choati) ou un patron
tachet? avec des marques de couleurs remarquables (M. meleagris, M. omatus,
M. geoffroyi). En m?me temps que la finalisation de la coloration l'?trange
poursuite agressive des compagnons dispara?t, ce qui apparemment ne sert
qu'? emp?cher la transformation d'une autre femelle en m?le. Le groupe
se comporte alors de nouveau de fa?on harmonieuse.
Dans la nature ce groupe de poissons vit en harems l?ches, environ 15 ?
20 femelles sont accompagn?es par un m?le en coloration finale. Ils sont
en contact ?troit, mais le m?le se tient ? plus grande distance des femelles
que celles-ci entre elles. Le v?ritable appel ? la ponte est toujours d?clench?,
dans l'aquarium comme dans la nature, par la femelle pr?te ? la ponte. En
montrant son ventre de fa?on caract?ristique elle fonce "sur lui" et vire
ensuite de mani?re abrupte. Ceci se renouvelle, jusqu'? ce que le m?le
suit et ce faisant la femelle pr?sente le ventre, souvent color? de mani?re
surprenante (chez M. bipartitus en bleu fonc?), par une nage montante
et un court passage vertical.
M?canisme d'accouplement lors de la ponte
M. bipartitus lors de la pariade. 1. Approche... |
La ponte s'effectue toujours
dans des zones de grandes turbulences, dans la nature souvent lors du changement
de mar?e et toujours en fin d'apr?s midi. M. geoffroyi pond m?me
peu avant la recherche de la place nocturne, donc au d?but du cr?puscule.
Chez toutes les esp?ces qui ont ?t? ensuite examin?es le d?roulement
de la ponte se d?roule de fa?on quasi semblable: les poissons tournent quelque
temps dans le courant puissant, se placent ensuite parall?lement, effectuent
quelques tours d'essai (dans l'aquarium au maximum douze), afin de se synchroniser.
Ensuite le m?le passe au-dessus de sa femelle en ayant un contact corporel,
se d?place en tremblant avec sa joue sur le c?t? de sa t?te, plantant
une de ses canines dans un renfoncement peu profond situ? entre l'oeil et
l'opercule branchial de la femelle, et imm?diatement les deux foncent vers
la surface de l'eau, la traversent durant l'?mission des produits sexuels
se laissant ensuite tomber sur le sol. Ce faisant le m?le d?tache sa canine
du cr?ne de la femelle - il lui faut ouvrir sa gueule en grand ! - et les
deux se s?parent. Dans mes aquariums une seule et m?me femelle a pondu chaque
jour.
M. bipartitus lors de la pariade. Accrochage avec la canine... |
Dans la nature j'ai observ? une ponte r?p?t?e l'une apr?s l'autre chez M. bipartitus et probablement aussi chez M. omatus avec deux tr?s grosses femelles, qui approchaient le m?le en montrant le ventre de mani?re provocante. Mais, plus souvent l? aussi, il n'y a eu qu'une ponte unique, bien que chaque homme de harem ait ? sa disposition jusqu'? 20 femelles. Naturellement il n'est pas ? exclure, qu'? l'int?rieur de tels groupes, se trouvent aussi de petits m?les primaires ? la coloration de femelles. Pour v?rifier,il faudrait capturer un groupe de harem et effectuer une d?termination des sexes, une entreprise tr?s difficile eu ?gard ? ces poissons habiles et prudents ! Pourtant justement ce m?canisme raffin? d'accouplement entre les partenaires de la ponte a pu trouver son origine dans la protection envers de tels m?les primaires, qui s'approchent du couple qui pond comme des intrus et pourraient s'y m?langer. D'autre part, il est facile ? imaginer qu'il s'agit d'une s?curit? compl?mentaire contre une s?paration dans le puissant courant et qu'ainsi est garantie la f?condation de la ponte. Tous les repr?sentants du genre Macropharygodon pondent dans des zones ? fortes turbulences, soit dans des zones extr?mement plates (canaux des lagons) ou pr?s de la surface. En outre, ? l'int?rieur du harem la ponte n'a lieu qu'en couple et le danger de s?paration et de d?rive du couple n'est certainement pas garanti sans un contact corporel aussi ?troit. Chez les pondeurs en groupe de courts ?loignements temporels peuvent ?tre plut?t tol?r?s, car lorsque de nombreux poissons ?mettent simultan?ment leurs produits sexuels, la f?condation est assur?e. La pr?sence d'intrus, donc de f?condateurs ?trangers est contredite puisque ni dans l'aquarium ni dans la nature je n'ai pu observer un troisi?me poisson qui aurait accompagn? le couple.
M. bipartitus lors de la pariade. Ponte ... |
Diff?rences li?es
? l'esp?ce
Au total j'ai maintenu six esp?ces (M. bipartitus, M. meleagris, M. negrosensi,
M. geoffroyi, M. omatus et partiellement aussi M. choati) pendant
diverses p?riodes d'?ge et pu observer le processus de la ponte. Je connais
?galement M. bipartitus, M. omatus et M. geoffroyi pour les
avoir observ?s dans la nature. Chez toutes ces esp?ces ce processus d'accouplement
singulier s'est produit, ne se diff?renciant que par la mani?re et la dur?e
de la nage synchrone et quelques ?l?ments de la pariade. Le seuil d'agression
avant le d?but du changement de sexe est aussi diff?rent: particuli?rement
M. omatus s'est r?v?l? intol?rant envers ses compagnons. Peut-?tre
qu'un bac plus grand aurait d?samorc? cette vell?it? de combat. J'ai minutieusement
examin? M. bipartitus, captur? 14 minuscules poissons pr?s de Bird
Island aux Seychelles, les fait grandir et je peux ainsi cerner de mani?re
relativement exacte le moment du changement de sexe: entre le onzi?me et
le quinzi?me mois de leur vie. Toutes les esp?ces du genre Macropharygodon
se sont comport?es comme des hermaphrodites obligatoires, car toutes les
femelles en couples ont chang? de sexe au plus t?t apr?s sept, au plus
tard apr?s neuf ans, m?me si apparemment elles vivaient en communaut? harmonieuse
avec un m?le. Si un m?le mourait de fa?on pr?coce ou ?tait un peu malade
(donc plus dominant!) les femelles ont chang? de sexe en l'espace de onze
? 29 jours et ont donn? des m?les fonctionnels. Toutefois leurs canines
n'atteignaient leur taille totale qu'un mois plus tard. Mon poisson le plus
?g?, un M. meleagris, a atteint l'?ge de 13 ans. Durant cinq ann?es
ce fut une femelle fonctionnelle, qui a chang? de sexe lorsque son partenaire
a ?t? victime d'un accident.
Comme m?le il a encore r?guli?rement pondu avec une nouvelle femelle, m?me
dans sa onzi?me année.
M. bipartitus lors de la pariade. Séparation ... |
Avec l'aimable autorisation
de l'auteur.
Littérature
KUITER, H.R. (1986): Lippfische der Gattung Macropharygodon. DATZ 11 : 123-125.
THALER, E. (1995 a) : Balz- und Laichverhalten von Lippfischen im Aquarium.
DATZ 48, 4: 228
THALER, E, (1995 b): Sex reversal and sexual behaviour in the Vermiculate
Wrasse (Macropharyngodon bipartitus). Proc. 24th L.O.C. Honolulu.
THALER, E. (1997): Steile Zähne - Balz- und Ablaichverhalten von Macrophryngodon.
TI-Magazin 137: 29-34.