"Il
s'intéresse aux algues-bulles !"
Pseudomonacanthus macrurus
(Bleeker, 1856-57)
Texte et photos : Joachim Frische
Valonia utricularis - Photo : Aurélien sapolin |
Parasites désagréables
Birkholz (1986) invective les algues-bulles du genre Valonia avec cette en-tête.
La raison en est que ces algues tueuses, comme il les désigne
avaient trouvé dans l'aquarium un environnement idéal
et s'y étaient allègrement développées.
Elles ont commencé par recouvrir les coraux. Ce sont surtout
les coraux durs qui n'ont pu se défendre contre cette plaie
verte et ils ont été formellement écrasés
par celles-ci.
Birkholz a mis en garde de ne pas écraser les algues car
lors de l'ouverture d'une des bulles d'innombrables spores sont
libérés, qui à leur tour ont trouvé
d'excellentes conditions vitales pour croître et se multiplier.
A ce qu'il semble : un cercle vicieux voué à l'échec
!
Les algues-bulles de nos jours
Cette description date de plus de 20 années.
Entre temps, les connaissances concernant ces algues tueuses ont
été élargies. Sprung (2005) subdivise les algues-bulles
dans les genres Valonia, Ventricaria et Dictyospaeria.
L'indication qu'une algue-bulle libère des spores lorsqu'on
l'écrase est vue de façon différenciée
par Sprung. A son avis ceci est théoriquement possible, pourtant
les poissons herbivores et le retrait manuel se sont révélés
être la solution tout à fait praticable de l'élimination.
Silbermann (2001) décrit Naso elegans ou Naso lituratus et Siganus vulpinus comme exterminateurs appropriés
des algues-bulles.
Valonia ventricosa - Photo : Aurélien sapolin |
Une réalité que je soumets à
votre réflexion est que les deux premiers poissons cités
atteignent une taille comprise entre 35 et 45 cm. Le Siganidé
avec ses 25 cm n'est certes pas des plus petits (Debelius-Kuiter
2001). De tels grands consommateurs d'algues nécessitent
non seulement un espace natatoire adapté, ils ont de plus
un métabolisme élevé, ce qui n'est pas obligatoirement
favorable à la qualité de l'eau. Afin de compiéter
les réserves que j'éprouve envers les deux espèces
de poissons citées, il faut dire qu'en raison de la forme
de leur tête ils ne peuvent pas atteindre les algues-bulles
qui sont installées profondément entre les branches
de coraux. Par conséquent si ces poissons sont retirés
de l'aquarium récifal à cause de la grande taille
qu'ils ont atteint, cela ne durera pas longtemps jusqu'à
ce que les algues- bulles ne recommencent à pousser.
Au sein des poisson-limes, il en existe qui se sont faits un nom comme prédateur de coelentérés indésirables. Parmi eux : Acreichthys tomentosus |
Les poissons-limes réservent toujours une
surprise.
A cause de l'aquariophilie récifale de nombreux coelentérés
et plantes "parasitantes" ont réussi à s'imposer
sans problème face aux coraux étant donné que
leurs prédateurs naturels sont absents dans les aquariums
récifaux.
Ainsi a démarré la recherche d'ennemis naturels, de
manière à ce que l'aquariophile marin ne passe pas,
semaine après semaine, accroché dans l'aquarium jusqu'aux
épaules afin de maîtriser ces fléaux par éradication
manuelle.
Lors des recherches il s'est avéré que parmi les poissons-limes
il y avait des représentants qui s'attaquaient par exemple
aux anémones de verre du genre Aiptasia spp. L'un
d'entre eux est le poisson-lime Acreichthys tomentosus, qui
certes n'est pas un modèle de couleurs, mais qui tient tête
aux genres de cnidaires non souhaités (voir http://www.recif-france.com/Articles/Luty/Acreichtys.htm)
Poissons-limes ! Ils portent à raison leur nom car leur peau
est rugueuse et ressemble à la surface d'une lime. Patzner
Moosleitner (1999) signalent que dans le passé ces animaux
ont effectivement été séchés et étaient
ensuite utilisés comme lime.
Poissons-limes - Leur vie dans la nature.
En s'intéressant à la littérature consacrée
aux poissons-limes, il est étonnant de ne trouver que si
peu d'informations concernant ces poissons en comparaison avec d'autres
familles de poissons étonnantes (par exemple les balistes).
Frische-Finck (2006) attribuent la raison de ces informations parcimonieuses
à leur mode de vie caché et à leur grandiose
capacité de camouflage. Les poissons-limes possèdent
une capacité similaire à celle du caméléon
de pouvoir modifier la couleur corporelle à la vitesse de
l'éclair et ainsi de se confondre avec l'environnement.
Les poissons-limes présents dans tous les tropiques ont conquis
presque tous les habitats naturels. Ainsi Patzner &
Moosleitner (1999) parlent de biotopes entre les herbiers, les forêts
d'algues, les coraux mous, les gorgones ou les coraux durs.
Les poissons-limes passent leur journée à s'alimenter,
leurs dents étant un bon indicateur de leur nourriture préférée.
Ainsi les poissons-limes carnivores ont des dents pointues, tandis
que les poissons-limes à tendance herbivore présentent
des dents avec des arrêtes découpées.
Selon Randall (2005) le plus grand nombre des poissons-limes est
omnivore, ceci signifie qu'ils consomment aussi bien des plantes
benthiques que des animaux, ayant la taille adaptée à
leur gueule. Patzner Moosleitner (1999) citent comme possibles aliments
des poissons-limes les algues, les herbes marines, les bryozoaires,
les coquillages, les escargots, les coraux durs, les gorgones, les
anémones, les coraux-cuirs, les coraux de feu et les oursins.
Pseudomonacanthus macrurus - une prise complémentaire
Le poisson-lime algues Pseudomonacanthus macrurus adore consommer les algues-bulles |
Certains poissons parviennent par hasard en Europe.
La raison en est presque toujours l'aspect décoloré
et discret. un commerçant spécialisé a attiré
mon attention sur ce poisson en me précisant qu'il avait
consommé toutes les algues-bulles dans son aquarium.
Quel hasard ! Ce fléau vert s'était développé
d'abord de façon imperceptible dans l'un de mes aquariums
durant environ une année. Ensuite les conditions de vie semblaient
être si optimales que les algues-bulles du genre Valonia
macrophysa et/ou Valonia utricularis sont apparues massivement.
Les coraux durs ont surtout été atteints. Surtout
un corail du genre Pavona decussata âgé de plusieurs
années, dans les interstices duquel les algues- bulles se
sont si massivement nichées que les tapis d'algues ne pouvaient
plus être éliminés manuellement. Quelle situation
délicate, car l'aquarium contenait 800 litres et s'avérait
trop petit pour les poissons herbivores évoqués. En
outre, ces poissons auraient échoué au niveau des
niches étroites.
C'est ainsi qu'au mois d'août un poisson-lime "indéterminé"
a rapidement changé de biotope.
Pseudomonacanthus macrurus |
Le commerçant supposait déjà,
qu'en ce qui concerne le poisson-lime, mesurant environ 4 à
5 cm, il pouvait s'agir de Pseudomonacanthus macrurus. Je
devais confirmer son hypothèse. Le plus consternant est que
cette espèce, nommée poisson-lime algues, doit atteindre
une taille de 45 cm selon Patzner Moosleitner (1999). Dans une littérature
différente il s'est avéré que cette espèce
doit atteindre une taille maximale de 24 à 25 cm, mais qu'elle
reste le plus souvent plus petite.
Sa maintenance en aquarium
Le poisson-lime algues, dont l'aire de distribution selon Allen
et al. (2003) se situe en Malaisie, Indonésie, Philippines
et Nouvelle Guinée, s'est rapidement habitué à
son nouvel environnement. Le souci qu'il ne pourrait pas s'entendre
avec un mâle Pervagor nigrolineatus d'une taille d'à
peine 5 cm (les deux poissons avaient la même taille à
l'époque) se sont avérés non fondés.
Cette observation permet-elle de conclure que le poisson-lime algues
doit être maintenu par paire, ne trouve actuellement pas de
réponse. Dans la nature toutefois on les rencontre soit en
couple mais aussi en solitaire.
Les points de la partie inférieure du poisson coffre Ostracion solorensis incitent Pseudomonacanthus macrurus à l'attaquer. La raison en est le patron colorimétrique similaire |
Les mâles comme chez beaucoup de poissons-limes,
se caractérisent par des épines bien visibles au niveau
du pédoncule caudal. Selon ce critère il semble que
je possède un poisson-lime de sexe masculin.
Pseudomonacanthus macrurus s'est révélé
être un hôte d'aquarium exceptionnel, au moins en ce
qui concerne l'alimentation et la sociabilité envers les
coraux et les poissons. Quoique ! Un Ostracion solorensis femelle attire l'attention du poisson-lime algues chaque fois qu'elle
passe au-dessus de lui en nageant. Ce sont les points sombres sur
la partie inférieure du poisson-coffre qui en constituent
la raison, ceux-ci ressemblant au patron corporel du poisson-lime
déclenchant ainsi ce comportement, ce qui fait que le Pseudomonacanthus
macrurus mord dans les points blancs. Au bout de quelques secondes
la poissons-lime se rend compte de son erreur et s'éloigne.
Le temps passant les attaques ont quasiment disparu.
Plus désagréable est le penchant à consommer
les crevettes du genre Lysmata. Combien de crevettes le Pseudomonacanthus
macrurus a pu entre temps ingurgiter est difficile à
dire mais visiblement il y a eu une diminution de la population
de crevettes après l'introduction du poisson-lime. La fuite
des crevettes à l'approche du poisson-lime constitue un indice
signalant que les crevettes n'aiment pas particulièrement Pseudomonacanthus macrurus.
Mais Pseudomonacanthus macrurus tombe en extase lorsqu'il
aperçoit des algues-bulles. Entre temps l'aquarium a été
libéré de ce fléau vert et le corail Pavona
cactus a reconquis les zones où vivaient les algues-bulles.
Il existe encore quelques algues-bulles qui se trouvent entre les
branches d'un Pocillopora damicornis et qui ne sont accessibles
au poisson-lime qu'au prix d'un effort artistique. Mais je suis
persuadé que là aussi le poisson-lime trouvera une
solution.
Sa croissance par contre me pose plus de souci. Comme ce poisson
consomme toute nourriture introduite dans l'aquarium il a déjà
atteint une taille de 12 cm. Il adore les flocons de spiruline ainsi
que le krill ce qui a pour conséquence une croissance sans
fin.
Contrairement à d'autres poissons-limes le poisson-lime algues est pacifique. Il ne s'intéresse ni à Pervagor nigrolineatus encore moins à Acreichthys tomentosus | Jusqu'à présent Pseudomonacanthus macrurus ne considère pas les coraux comme nourriture. |
Le poisson-lime algues est un habitant paisible, qui se contente d'un espace natatoire restreint | Photo : Aurélien Sapolin |
Photo : Aurélien Sapolin | Photo : Aurélien Sapolin |
Littérature:
Allen, G. R. R. Steene & P. Humann & Deloach, N. (2003):
Reef Fish Identification Tropical Pacific. New World Publ. Jacksonville.
458 S.
Birkholz, J. (1986): Üble Parasiten, die grünen Killerkugeln.
Das Aquarium 20(1), 31-32.
Debelius, H. Kuiter, R. H. (2001): Doktorfische und ihre Verwandten
Acanthuroidei. Ulmer Verlag. Stuttgart. 208 S.
Frische, Finck, H. (2006): Raue Haut und scheues Wesen - Feilenfische.
DATZ 59(3), 56-59.
Patzner, R. A. & Moosleitner, H. (1999): Meerwasser-Atlas Band
6. Mergus Verlag. Melle. 1152 S.
Randall, E. (2005): Reef and Shore Fishes of the South Pacific.
University of Hawaii Press. Honolulu, 710 S.
Silbermann, B. (2001): Algenplagen im Meerwasseraquarium und ihre
Bekâmpfung. Die Koralle.2(2), 31-35
Sprung, J. (2005): Algen: Probleme und Lösungen. Dâhne
Verlag. Ettlingen, 80 S.
Avec l'aimable autorisation de l'auteur