Nourriture sèche pour poissons d'eau de mer

André LUTY

Nombre de produits, sous forme de nourriture s?che, sont actuellement disponibles dans le commerce convenant pour les poissons d'eau de mer, selon leur d?signation. Le sont-ils vraiment ? Je voudrais tenter de m'approcher d'une solution satisfaisante.



Alimentation dans la nature
Dans le récif de corail, déjà, chaque poisson ne mange pas n'importe quelle nourriture. La classification la plus connue est constituée par la différence entre les végétariens et les carnivores ou les herbivores et les prédateurs. Dans le récif les consommateurs de coraux méritent une appellation spécifique, il faut aussi tenir compte des détritivores.
Les prédateurs peuvent avaler de petits comme de grands morceaux de nourriture pouvant presque atteindre leur propre taille. D'un autre côté, les végétariens absorbent également des organismes animaux qui se trouvent sur les algues tandis que les prédateurs consomment de temps en temps des algues, ou les utilisent sous la forme du contenu stomacal de leurs proies. Ceci signifie encore, que les produits végétaux doivent également être présents dans la nourriture sèche des consommateurs de petits animaux. Ainsi, dans l'estomac du poisson-chirurgien végétarien, Zebrasoma scopas, des copépodes ont été trouvés chez 40 % des animaux examinés, tandis que dans l'estomac d'un scorpénidé du genre Scorpaenodes, il y avait 25 % d'algues filamenteuses (SANO & al. 1984). Il est très difficile, par contre, de donner une estimation concernant les consommateurs d'éponges. La question se pose donc : sont-ils vraiment spécialisés en éponges ou consomment-ils les organismes présents à la surface des éponges et absorbent-ils ce faisant les sclérites pour les stocker dans l'estomac, car elles sont difficilement transportables dans l'intestin à cause de leurs extrémités pointues. Chez les Zanclidés, 100 % des poissons analysés possédaient des particules d'éponges dans l'estomac (SANO & al. 1984). Chez un Pomacanthus semicirculatus le contenu stomacal se composait à 40 % de reliquats d'éponges (SANG al. 1984).
Outre les nourritures connues, il faut tenir compte des vers polychètes et des crevettes chez les Apogonidés, des crustacés et d'escargots chez les poissons-comètes, de plancton d'eau profonde, d'oeufs de poissons et de crustacés chez les Pseudochromidés, de diatomées, de foraminifères, d'hydroïdes ainsi que d'ostracodes et de copépodes chez la tribu des Nemophini (Aspidontus, Meiacanthus, Petrosartes, Plagiotremus et Xiphasia) ou aussi des larves de poissons, des algues, des tuniciers, des aselles et même des insectes chez les Pomacentridés. Etant donné qu'une multiplicité de poissons est maintenue dans les aquariums récifaux, la nourriture artificielle dite universelle couvre les besoins alimentaires du plus grand nombre de poissons. En tant que fabricant de nourriture on peut la varier un peu en augmentant la quantité d'algues pour les herbivores sous forme de complément en Spirulina ou en modifiant la quantité de vitamines et de lipides. Mais les possibilités importantes de variation, qui permettent l'alimentation de spécialistes, sont à peine utiles. Dans ce cas les produits alimentaires deviendraient trop chers. C'est pourquoi chaque possesseur de spécialistes alimentaires doit essayer de couvrir leurs besoins alimentaires par des élevages de nourriture ou de la nourriture surgelée.

Substances nutritives dans la nourriture
Les substances nutritives principales sont pour les poissons les protéines, les lipides et les hydrates de carbone, en outre les vitamines, les minéraux et les oligo-éléments sont nécessités pour les fonctions corporelles. Dans la chaîne alimentaire toutes ces relations sont d'abord produites par les algues. Les importants acides gras Oméga 3 ne sont produits que par les plantes / algues marines et enrichis dans la chaîne alimentaire. Il en est généralement de même de toutes les autres substances nutritives. Elles reçoivent toujours de nouvelles qualités en remontant la chaîne alimentaire - les morceaux de nourriture s'enrichissent en énergie. Ceci signifie qu'un prédateur doit absorber moins de quantités de nourriture qu'un consommateur de végétaux de même taille.
Les grands prédateurs comme les rascasses, les murènes ou les mérous n'ont pas besoin de nourriture en permanence. Leurs proies sont plus riches en protéines et la quantité de lipides et de carbone varie en fonction de l'offre alimentaire des prédateurs. Toutefois, dans ce cas, plusieurs petites bouchées en plusieurs prises sont meilleures qu'une seule grosse bouchée uniquement une fois par semaine. Les rascasses des genres Dendrochirus et Pterois sont considérées comme des prédateurs de poissons, en réalité on a pu déterminer que leur estomac contenait chez Dendrochirus zebra 100 % et chez Pterois volitans encore 5 % de proies ressemblant à des crustacés. Chez Pterois volitans on a même trouvé dans l'estomac une crevette Stenopus hispidus (SANO et al. 1984).
Un chirurgien et un poisson-lapin (Siganidé) ne sont pas, en tant que végétariens, habitués à un régime en protéines animales à 100 % et ils mouraient rapidement suite à des carences, à la formation de gaz dans l'intestin ou à la dégénérescence graisseuse, s'ils ne recevaient que de la chair de moules à manger. Leur transit intestinal est adapté à un régime végétarien riche en hydrates de carbone et nécessite aussi, pour cette raison, une part importante en substances ballast et en sable, afin de fonctionner correctement. Parce que ces groupes de poissons préfèrent un régime pauvre en énergie, ils sont obligés de manger en permanence. Un régime trop riche en énergie sera de nouveau rejeté sous forme d'ammonium et polluera l'aquarium. Des distributions partielles de nourriture par semaine ne seront pas suffisantes, les poissons maigrissent et meurent par manque de forces. Entre, il y a beaucoup de poissons comme les Labridés, les Gobiidés, les Anthiinés, les Pseudochromidés ou les Pomacentridés, qui consomment en permanence le plancton récifal qui dérive (omnivores ou mini prédateurs). Ils reçoivent beaucoup de petites portions réparties sur la journée et cela de façon plus ou moins régulière.
Dans l'ensemble, les groupes individuels de poissons nécessitent la composition alimentaire correspondant au tableau ci-dessous :

Hydrates de carbone
Protéines
Lipides
Ballast / fibres
Pr?dateurs
40 %
50 - 70 %
3 - 6 %
3 - 6 %
Omnivores
40 %
30 - 40 %
2 - 5 %
20 - 30 %
Herbivores
40 %
15 - 30 %
1 - 3 %
30 - 50 %
TetraMarin Flocons
46 %
8,5 %
2 % + 10 %
Cendres brutes
JBL Maris Flocons
44 %
5 %
2,5 % + 11,2 %
Cendres brutes
Guggenbuhl Flocons
43 %
5 %
3 % + 10,5 %
Cendres brutes
DuplaRin
52,5 %
13 %
0,6 % + max 8,2 %
Cendres brutes

Les protéines sont essentiellement utilisées par les poissons pour la croissance. Un poisson qui reçoit des protéines " biologiques " pousse plus vite que celui qui doit utiliser des protéines étrangères. C'est pourquoi les prédateurs croissent généralement plus vite que les herbivores. Les prédateurs croissent encore plus vite, s'ils peuvent consommer leur propre progéniture. Chaque pêcheur sait que notre perche endémique n'atteint par exemple la taille capitale que si elle peut manger de jeunes perches. S'il lui faut chasser en banc d'autres poissons, la quantité énergétique de la nourriture est déjà plus faible. De nombreux fabricants se font un point d'honneur de ne pas utiliser de protéines animales ou de protéines piscicoles.
Les poissons juvéniles croissent plus vite que les adultes et nécessitent plus de protéines différentes. Mais, nous ne voulons pas avoir de poissons croissant trop rapidement dans nos aquariums, nous devrons donc réduire la quantité de protéines de la nourriture avec le vieillissement. Aucun aquariophile ne peut le réaliser sur un plan pratique. Celui qui veut toutefois observer des poissons qui pondent nécessite, de nouveau, une alimentation riche en protéines.
Les poissons ont besoin de lipides et d'hydrates de carbone comme sources d'énergie, les hydrates de carbone à court terme et les lipides comme réservoir d'énergie ou pour la constitution des lipides. Étant donné que les poissons se situent à la fin de la chaîne alimentaire dans le récif, les hydrates de carbones n'ont dans ce cas qu'un rôle de moindre importance. Les lipides sont d'autant plus importants comme fournisseurs d'énergie. Quelques lipides sont en plus nécessaires pour la constitution des pigments - particulièrement le rouge, le jaune et le vert, en outre ils sont nécessaires au fonctionnement des membranes et ils sont porteurs des vitamines liposolubles (vitamines A, D, E, K). En particulier les phospholipides sont responsables de la formation des phosphates dans les excréments des poissons qui se retrouvent finalement dans l'eau.
Parmi les substances minérales il faut citer les phosphates, le fer, le calcium, l'iode et aussi le cuivre, sans lesquels le métabolisme et de nombreuses fonctions dans le corps des poissons ne fonctionneraient pas.
Un élément de l'alimentation des poissons, jusqu'à présent peu considéré dans la littérature, est constitué par les fibres alimentaires. Celles-ci peuvent être des fibres d'algues ou de végétaux, des chélates naturels d'algues, du sable, des sclérites d'éponges, des restes de coraux, des carapaces de crustacés, l'appareil de capture des sabelles, des carapaces d'insectes et d'autres substances. Sans ces fibres alimentaires la péristaltique intestinale ne pourrait fonctionner et l'absorption des substances nutritives ainsi que la détoxication des corps des poissons serait limitée. En ce qui concerne les fibres alimentaires les herbivores nécessitent davantage de fibres alimentaires que les prédateurs.

Propriétés de la nourriture
La nourriture de nos aquariums nécessite d'autres propriétés que la nourriture de la mer. Une pollution de l'eau par la dissolution de la nourriture doit être différée aussi longtemps que possible si celle-ci tombe sur le sol. D'autre part, elle doit se conserver longtemps dans le gobelet de nourriture et tomber sur le fond, flotter ou chuter lentement en fonction des espèces de poissons. Il faut pouvoir la doser avec le distributeur automatique de nourriture et elle doit avoir la bonne taille pour les poissons. Une mobilit? propre serait bonne, afin de tenter de prudentes prises sauvages. Les commerces et les fermes d'?levage surtout exigent en outre que si possible des substances favorisant la sant? et l'?clat des couleurs y soient contenus, bien qu'? mon avis ceci a ?t? entre temps tr?s exag?r? tout comme l'ajout de substances augmentant le go?t. Tr?s bon, par contre, est toutefois le d?veloppement concernant le secteur de l'enrichissement en vitamines et en lipides de la nourriture s?che.
Faisons-nous un test d'alimentation - ou mieux nous ne le faisons pas ? Celui qui teste la nourriture en tant que n?ophyte sera effray? par la quantit? importante de phosphates et les quantit?s ?lev?es d'azote pr?sents dans la nourriture. Mais ne doit-il pas en ?tre ainsi afin d'obtenir avec des doses relativement r?duites une bonne condition des poissons ? Dans la pratique, il ne faut pas distribuer plus de nourriture que celle que les poissons peuvent consommer sur une p?riode tr?s courte. Ceci est d?sormais inscrit sur presque toutes les bo?tes. En outre, il faut maintenir des d?tritivores comme des ophiures, des escargots et des bernardl'ermites pour ma?triser les portions de nourritures qui se d?posent dans les coins. Comme d?j? signal?, en tant que propri?taire de chirurgiens je respecte plut?t les fibres alimentaires (la quantit? de fibres crues et la teneur en cendres sont g?n?ralement indiqu?s sur l'emballage) et je regarde combien de nourriture j'utilise journali?rement, afin de conserver le poisson le plus faible en forme.

Quelle nourriture utilise l'auteur
Tr?s longtemps la nourriture en granul?s DuplaRin a satisfait chez moi, ainsi que chez le cercle d'amis, les exigences des chirurgiens ainsi que de toutes les autres esp?ces de poissons. ?galement Acanthurus japonicus, A. sohal et A. olivaceus ont grandi avec cette nourriture, presque unique, jusqu'? une longueur d?passant 30 cm et cela avec un ventre rond. Les granul?s existent en trois granulom?tries, pr?f?rant personnellement la granulom?trie moyenne et grosse. Cette nourriture pr?sente l'avantage d'?tre tr?s dure et correspond aux mouvements intestinaux. Plus tard, j'ai re?u un produit similaire de la soci?t? polonaise Tropical qui a donn? un r?sultat identique. En particulier la quantit? de nourriture utilis?e est de nouveau relativement faible. J'ai longtemps évité la nourriture en flocons, car j'ai pu analyser des exemplaires de Naso litturatus, qui étaient morts suite à la formation de bulles de gaz dans l'intestin après une alimentation exclusive avec des flocons et l'absorption de pierres trop grosses.
L'hébergement actuel de nombreux filtreurs m'a amené à modifier énormément les quantités de nourriture ainsi que sa composition. Depuis Interzoo 2006 je nourris en plus New Era Flakes, une nourriture en flocons plus grossière, qui est enrichie avec des fibres, des lipides, des vitamines et des colorants naturels. Avec l'utilisation de cette nourriture tous les coraux comme les Tubastrea et les Scleronephthya s'ouvrent de suite et peuvent ensuite être nourris avec du plancton et des oeufs de homards. Naturellement les poissons en profitent également.
Malgré cela j'ai été confronté à des problèmes pour maintenir en bonne forme un Acanthurus japonicus. Lors de l'acclimatation, il a été obligé de se battre avec deux Zebrasoma flavescens, ce qui a conduit à une consommation plus importante d'?nergie ? cause des bagarres incessantes. L'augmentation de la quantit? de DuplaRin et l'augmentation des distributions de nourriture de 3 ? 5 fois par jour n'ont rien chang?. Peut-?tre parce que les substances nutritives absorb?es n'?taient pas disponibles ? court terme. J'ai donc essay? d'autres sortes de nourritures en flocons, avec une augmentation simultan?e de distribution de feuilles de salades. Ensuite, j'ai eu du succ?s avec TetraMarin Flakes, qui a permis ? l'Acanthurus japonicus de reprendre du volume en l'espace d'une semaine, ce qui ?tait particuli?rement visible dans la partie dorsale. Parfois un changement de nourriture peut aider...

Adapter la taille de la nourriture congelée à la bonne taille
Parfois on aimerait donner quelque chose de spécial à ses pensionnaires - mais comment ? Du foie de poisson ou de la chair de seiche constituent des mets de choix - riches en énergie et avec des quantités élevées en vitamines, lipides et protéines. La fragmentation avec le couteau à la taille d'une bouchée est toutefois très pénible. La nourriture a alors une structure peu homogène et difficile à manipuler. S'y rajoute le problème que des poissons problématiques comme les Anthias n'acceptent pas ces morceaux.
Il est toutefois possible de râper finement sur une râpe de cuisine de la seiche ou du foie de poisson congelés et répartir ensuite les râpures dans l'eau. La forme allongée obtenue (cela ressemble à du fromage râpé) rappelle de petits organismes qui dansent dans l'eau et incitent les poissons à les happer. Ils vont se ruer sur la nourriture -faites en l'essai !
Une deuxième possibilité consiste à presser les morceaux décongelés à travers une presse à ail. Lorsque les "petites saucisses" sortent par les ouvertures de la presse, il faut les couper ave un couteau au dessus de l'aquarium. Il est ainsi facile de distribuer du poisson frais, des crevettes, etc.


Dans le cas de la nourriture congelée on peut obtenir des râpures attrayantes - Photo : A Luty

Conclusion
Il n'est pas possible d'obtenir des succès à long terme en utilisant uniquement une alimentation à base de flocons et une seule sorte de nourriture compte tenu de la multiplicité des poissons hébergés. Le changement et l'assortiment de la nourriture pour tous est important, aussi bien en fonction de la taille, du mouvement de la nourriture que de sa composition. Les sortes de nourritures sèches actuelles constituent une base sensée, mais je ne les utiliserai pas de façon exclusive.
Lors de l'acclimatation de nouveaux animaux il faut, avant toute chose, ne pas renoncer aux copépodes (Cyclops) vivants ou congelés. Plus tard, on peut y mélanger la nourriture en flocons et à un certain moment la nourriture en flocons sera acceptée par presque tous les poissons marins. Elle ne peut cependant couvrir tous les besoins ou cher lecteurs accepteriez-vous de ne consommer que du pain croquant suédois ?

Avec l'aimable autorisation de l'auteur

Littérature
FRISCHE, & BARCHET, H. (1999) : Mangelkrankheiten bei Doktorfischen - erkennen und vorbeugen. Der MeerwasserAquarianer 1/99:47-50.
SANO, M. SHIMIZU, M. & NOSE, Y. (1984): Food habitus of Teleostean Reef Fishes in Okinawa Island, Southern Japan. Bulletin N° 25, The University Museum University of Tokyo.