Effets de l'éthanol dans un aquarium récifal
Dr. Manfred SCHLUTER, AB Aqua Medic ©
Introduction
C'est avec un grand interêt que j'ai pris connaissance de l'article
de Michael Mrutzek et Jorg Kokott. Au premier abord les résultats sont
inattendus pour moi et je suis sur qu'il sera le vecteur de nombreuses discussions
intéressantes.
C'est pour cette raison que j'ai examine de plus près certaines données
presentées, fouillé dans la littérature ancienne et effectué
un certain nombre de calculs. Cependant, it s'est vite avèré
que les hypothèses compliquées de bactéries stockant
les phosphates et la dénitrification dans le sol n'étaient pas
du tout nécessaires pour expliquer les observations. Les explications
des phénomènes sont beaucoup plus simples. C'est pourquoi je
voudrais présenter les calculs et les voies du métabolisme.
Car seulement si nous savons ce qui se passe, nous pouvons également
tirer les bonnes conclusions et poursuivre le chemin.
L'aquarium est un système ouvert
Un aquarium représente un système ouvert, si on considère
le mouvement de l'énergie et des substances. Nous y introduisons de
l'énergie (lumière) et de la biomasse (nourriture), ainsi qu'une
série de minéraux. Nous transportons à l'extérieur
le "flotat" provenant de l'écumeur, la saleté du filtre
mécanique et des gaz azotés lors de la dénitrification.
Dans l'aquarium, la biomasse, que nous avons introduit, aboutit dans une chaîne
alimentaire. Elle est maintes fois utilisée et transformée,
jusqu'a ce qu'une partie s'accumule en produit final ou est de nouveau exportée.
Ce produit final peut être un poisson, un corail ou un autre animal,
mais aussi par exemple un détritus.
Que se passe t'il lors de l'addition d'éthanol ?
Que s'est-it passé avec l'alcool que M. Mrutzek a ajouté à
son aquarium ?
Les pierres vivantes et le substrat ont-ils été utilisés
pour la dénitrification comme l'auteur l'écrit ?
Je pense que non : l'alcool a essentiellement été utilisé
pour la production de biomasse.
La dénitrification ne se produit que dans un milieu anoxique, pauvre
en oxygène. S'il n'y a pas utilisation d'un réducteur spécial
de nitrates, de telles zones ne peuvent se former qu'à l'intérieur
des pierres vivantes ou du substrat.
Qu'est-ce qui mène à leur formation ? Le passage du courant
lent ou son absence.
Les substances ne peuvent donc seulement aboutir par diffusion et donc très
lentement dans ces zones. Pour la plupart des microorganismes, l'ethanol constitue
une source d'énergie très facile a utiliser. Apres une courte
période d'adaptation, il se forme dans l'aquarium une population de
bactéries anaérobies, qui consomment en très peu de temps
l'alcool ajouté, les dénitrificateurs des zones anoxiques n'en
bénéficient pas. Du reste tous les microorganismes cherchent
a utiliser les substances nutritives qui leur sont offertes si possible pour
en tirer de l'énergie. La dénitrification n'est qu'une "mesure
de secours", s'il n'y a pas assez d'oxygène disponible. La décomposition
aerobie est privilégiée.
En présence d'oxygène ils commutent de nouveau rapidement leur
metabolisme vers une respiration "normale".
Au premier abord, ceci semble insignifiant, mais est d'un grande importance
pour la transformation des substances comme nous le verrons plus loin.
Bon, à présent quelque chiffres ; nous pouvons extraire les
données suivantes du diagramme de M. Mrutzek :
Durant les 40 jours d'expérience, il a été ajouté
environ 320 ml de vodka. Ceci correspond à environ 108,8 g d'alcool
pur ou si nous ne considérons que le carbone qui s'y trouve 56,8 g
(carbone), (selon la formule de l'alcoo C2H5OH).
Après addition de cette quantite, les quantites suivantes nitrates
et de phosphates ont été décomposées :
Nitrates : à partir de 1000 l (volume de l'aquarium) 12,5 mg/l,
ce qui correspond a 12,5 g de nitrates ou ramené en azote à
2,98 g N (Azote).
Phosphates : a partir de 1000 l d'eau ont été retirés
0,1 mg /l de phosphates, ce qui représente au total 100 mg de phosphates
ou ramené en phosphore à 33 mg P (phosphore).
Ces calculs ne constituent naturellement qu'une approximation, étant
donné que les valeurs originelles ne sont pas disponibles. Cependant
les dérives ne sont que minimes. La biomasse contient, outre le carbone,
l'oxygène et l'hydrogène, également de l'azote et des
phosphates et bien d'autres substances. La proportion de ces substances entre
elles a été souvent publiée dans la litterature. J'utilise
des données de Shelef et al., 1976 :
Pourcentage des divers éléments en biomasse microbienne
Elément |
Abréviation
|
Part
relative en % de poids
|
Carbone |
C
|
55,9
|
Hydrogène |
H
|
6,8
|
Oxygène |
O
|
26,8
|
Azote |
N
|
9,1
|
Phosphore |
P
|
2,2
|
Admettons
que de ces 56,8 g de carbone, qui ont été introduits dans l'aquarium,
70 % ont été directement utilisés pour la respiration,
c'est à dire décomposés en CO2 et en eau,
pour la création d'énergie pour les organismes. Ceci représente
une valeur réaliste, il peut selon les organismes atteindre jusqu'à
90 %. Seul les 30 % qui restent ont été utilisés pour
la formation de biomasse et ainsi pour la réduction d'azote et de phosphore.
Ceci représente environ 17 g. Selon la formule de Shelef, il en résulte
environ 30,5 g de biomasse. Celle-ci contient environ 2,78 g N et 366 mg P.
Ceci représente autant qu'il en a été pris dans l'eau
(2,98 g N et 33 mg P).
Quel est alors le but d'une addition d'éthanol ?
Nous arrivons maintenant à la question décisive : quel est le
but de l'addition d'éthanol ? Faut-il créer de la biomasse ou
effectivement retirer des nitrates et des phosphates ?
Pour la formation de biomasse la voie décrite est certainement efficace
et l'élimination des nitrates et des phosphates un effet complémentaire
bienvenu. Il faut certainement mener d'autres expérimentations. Il
est également incertain, quelle partie de la biomasse reste dans l'aquarium
et combien se trouve exportée par l'intermédiaire de l'écumeur.
Je peux aussi m'imaginer que les divers bacs réagissent différemment.
Ainsi la biomasse produite constitue une bonne source de nourriture pour de
nombreux animaux qui filtrent (vers tubicoles, éponges, ascidies, etc.)
ou aussi le début d'une chaîne alimentaire, qui par l'intermédiaire
des bactéries mène aux protozoaires (ciliés, flagellés)
et aux copépodes, aux poissons et aux coraux.
Toutefois il faut garder à l'esprit que cette production de biomasse
conduit à un enrichissement en substances nutritives de l'aquarium.
S'il s'agit d'un avantage sur le long terme reste à démontrer
pour les aquariums de scléractiniaires pauvres en substances nutritives.
En tout les cas il serait intéressant de vérifier si dans les
aquariums fonctionnant de cette manière la faune bactérienne
(ou il faudrait dire, la charge de l'eau avec les bactéries) augmente.
Je peux facilement l'imaginer, même de plusieurs dizaines de pour cents.
Dangers pour l'aquariophile
Alors nous arriverions à un point, que j'ai toujours ignoré
moi-même, comme la plupart d'entre nous. Un collaborateur de notre entreprise,
qui a vidé l'un de nos aquariums récifaux il y a quelques semaines
pour le monter de nouveau à un autre emplacement naturellement sans
gants ! a dù être hospitalisé le lendemain avec une grave
intoxication sanguine et est resté 2 jours sous perfusion. Nous pouvons
déduire que la charge bactérienne de l'aquarium augmente suite
à l'addition d'éthanol et nous ignorons, de quelles espèces
il s'agit. Une série des bactéries aérobies, qui se développent
dans nos aquariums, comme par exemple le genre Pseudomonas peuvent
provoquer des maladies dangereuses chez l'homme. Il faut donc rester prudent.
De ce point de vue il est plus sûr de nourrir les animaux qui filtrent
par addition de phytoplancton, qui peut être produit dans un réacteur
à plancton ! certes avec certains efforts.
Directement dans l'aquarium - une voie pas effective
Si, en premier lieu une réduction des nitrates doit être atteinte
avec l'éthanol additionné, la formation de biomasse constitue
une voie très peu effective. L'alcool peut être bien mieux utilisé
par la dénitrification : lors de la dénitrification l'oxygène
provenant des nitrates est utilisé pour la respiration des bactéries.
Mais les bactéries n'effectuent cela qu'en l'absence d'oxygène.
Dès que de l'oxygène pénètre le système,
les bactéries passent immédiatement à la respiration
normale. Dans le cas de la respiration par les nitrates non seulement les
30 % mais la totalité des 100 % de l'éthanol sont utilisés
pour l'élimination des nitrates, qui sont intégrés dans
la biomasse conformément à l'équation suivante (selon
Baensch, 1992) :
2
NO3- + C2H5OH ?
N2 + 2OH- + 2 CO2 + H2O + (2H)
Nitrates + ?thanol Azote
+ Hydroxyde + Gaz carbonique + Eau
(les deux
atomes d'hydrogène ne sont pas libérés, mais fixé
à l'ATP (adonosine-triphosphate) dans la cellule par exemple)
La dénitrification est beaucoup plus efficace pour l'élimination
de l'azote que la simple formation de biomasse. Lors de la mise en oeuvre
d'alcool ou d'autres sources de carbone pour la dénitrification, il
est possible d'obtenir une décomposition beaucoup plus importante des
nitrates par addition beaucoup plus réduite de carbone. Hormis ceci,
il se développe lors de la dénitrification des ions hydroxydes,
lesquels stabilisent la dureté carbonatée et qui restituent
de nouveau lors de la nitrification les ions hydroxydes utilisés.
Admettons que nous ajoutons les 320 ml de vodka de l'exemple précédent
dans un Nitratreductor Aqua Medic ou un filtre anoxique similaire. Dans ce
cas l'alcool serait presque complètement utilisé pour la dénitrification.
Selon l'équation, il est possible de réduire par ce moyen 2
Mol de nitrates par Mol d'éthanol. Ceci signifie
320 ml vodka = environ 108,8 g d'alcool réduisent environ 298 g de
nitrates correspondant à 71 g d'azote.
Ceci représente au minimum dix fois plus que ce qui peut être
atteint avec la méthode d'addition directe à l'aquarium comme
préconisé par Mrutzek et Kokott. Afin de réduire la quantité
de nitrates (12,5 mg/1 dans 1000 litres) il ne faut dans le Nitratreductor
que 15 ml de vodka à environ 300 ml de moins à qui peuvent alors
alimenter d'autres utilisations.
La dénitrification ne fonctionne toutefois que dans des filtres anoxiques,
comme par exemple le Nitratreductor Aqua Medic, qui du reste a été
pourvu le premier d'un système de circulation avec un bypass (breveté
depuis 1992) et qui dispose d'une réserve de carbone gràce aux
Deniballs en PHB (Polyhydroxybutrate), qui suffit pour une décomposition
des nitrates entre une et deux années en fonction de l'aquarium. Celui
qui préfère les sources de carbone liquides peut à la
place de la vodka utiliser d'autres sources, comme l'acétate, le lactate
ou l'acide acétique également sous la forme de sels de calcium.
Les systèmes naturels sont également peu fiables
De tels filtres extérieurs de dénitrification présentent
d'importants avantages par rapport au système naturel Jaubert. Les
conditions anoxique ne constituent justement pas ce que nous souhaitons dans
nos aquariums. C'est pourquoi il existe toujours le danger, que quelque chose
se déroule mal.
En ce qui concerne le Nitratreductor, on peut a simplement fermer le robinet.
Le système reste toujours contrôlable. Si par contre j'ai un
systèmei Jaubert avec un " plenum " anaérobie sous
épaisse couche de sable, alors j'ai un veritable problème et
ma capacité d'action est très limitée.
Si dans un aquarium approvisionné avec de l'éthanol l'importante
biomasse microbienne meurt - quelle que soit la cause - on est également
impuissant et on ne peut placer ses espoirs que dans l'écumeur.
Résumé
La méthode décrite par Mrutzek et Kokott de réduction
de biomasse par addition d'éthanol constitue certainement une bonne
méthode, pour augmenter la production de bactéries dans l'aquarium.
La prépondérance d'effets positifs ou négatifs doit être
démontrée par des expériences à long terme.
Je peux imaginer les effets positifs surtout dans des aquariums avec beaucoup
d'animaux qui filtrent et en tant que source de nourriture complémentaire
sans aucun inconvénient. Pour l'élimination des nitrates et
des phosphat existe cependant des méthodes plus efficaces.
Littérature
Baensch, H. A. et Debelius, H. 1992: Meerwasseratlas, p. 128 ff. Mergus Verlag
melle.
Shelef, G., Moraine, R., Maydan, A. & sandbank, E. 1976: Combined algae production
wastewater treatment and reclamation systems. In : schlegel, H. G. & Barnea,
J. (eds): Microbial energy conversion, Proc. Sem. E. Goltze, G?ttingen, p.
427-442.