La biodénitratation
autotrophe sur soufre en aquarium marin
Marc Langouet
1) Un biod?nitrateur pour quoi faire ?
Pour bien comprendre comment cette id?e est n?e il faut se replacer dans
le contexte aquariophile du d?but des ann?es 1990. A cette ?poque tous
les aquariophiles fran?ais ?taient confront?s au probl?me de l'augmentation
constante du taux de nitrate dans leurs aquariums.
La m?thode dite berlinoise n'?tait pratiquement pas connue en France puisque
AQUARAMA n'en a fait ?tat qu?en 1991. La solution la plus r?pandue pour
?liminer ces nitrates qui rendaient assez vite impossible la conservation
des invert?br?s que nous commencions ? trouver sur le march?, ?tait le
changement d'eau.
Il pouvait ?tre r?alis? soit par le changement massif d'une quantit? importante
d'eau, avec le risque d'une perturbation importante du milieu, soit par la
m?thode du goutte ? goutte tr?s ? la mode ? l'?poque et objet de tr?s
nombreuses publications dans les revues aquariophiles du d?but de cette d?cennie.
Pour ma part je changeais de 30 ? 50% de l'eau de mes bacs tous les samedis...
Ces m?thodes pr?sentent toutefois un inconv?nient majeur ; elles n?cessitent
l'utilisation d'une eau dont la concentration en nitrate soit la plus faible
possible, faute de quoi il devient bien entendu impossible d'obtenir une teneur
en nitrate faible dans l'aquarium. Il faut par ailleurs ajouter qu'? cette
?poque, l'usage des osmoseurs ?tait encore tr?s peu r?pandu dans le monde
aquariophile, et que m?me aujourd'hui o? ils se sont largement r?pandus
en aquariophilie r?cifale, il ne faut pas oublier qu'ils n'?liminent pas
tous les nitrates ( quand ils les ?liminent !), et que dans certaines r?gions
la concentration en nitrate de l'eau du robinet ?tant ?lev?e, la pr?paration
d'une eau de mer synth?tique ? partir d'eau osmos?e peut parfois conduire
? des taux de nitrate de l'ordre de 5 ? 10 mg par litre (NB Toutes les valeurs
de taux de nitrate de cet article sont exprim?es en mg / l de nitrate NO3
et non en mg/l de N-NO3).
De plus la m?thode du changement d'eau consiste ? jeter une quantit? importante
d'eau pour ?liminer essentiellement un seul ion g?nant : les nitrates. J'ai
donc tr?s vite cherch? une m?thode beaucoup plus s?lective ?liminant
directement ces ions g?nants et me suis orient? vers les proc?d?s d'?liminations
biologiques des nitrates par respiration nitrate en milieu pauvre en oxyg?ne
et transformation des nitrates en azote gazeux.
? l'?poque quelques rares soci?t?s commercialisaient des syst?mes construits
pour r?aliser cette biod?nitratation de mani?re h?t?rotrophe c'est-?-dire
avec apports r?guliers d'une source de carbone organique (en g?n?ral du
glucose ou un d?riv? du glucose) destin? ? nourrir les bact?ries h?t?rotrophes
ana?robies. Ces bact?ries puisent l'oxyg?ne n?cessaire ? leur respiration
et ? l'oxydation du carbone organique leur servant d'aliment, dans l'ion
nitrate, qu'elles r?duisent ? l'?tat d'azote gazeux, et permettent ainsi
une ?limination des nitrates du syst?me ferm? que constitue l'aquarium.
Cette technique fonctionne tr?s bien mais elle pr?sente deux inconv?nients
majeurs : il convient pour entretenir la r?action biologique de nourrir tr?s
r?guli?rement les bact?ries, et de calibrer cet apport de carbone de fa?on
assez pr?cise. En effet, trop peu de carbone conduit ? une r?action partielle
et ? la production continuelle de nitrites, alors que trop de carbone conduit
? un milieu trop r?ducteur, qui se traduit rapidement par une odeur caract?ristique
d??ufs pourris li?e ? la production de sulfures. Cet apport de carbone
doit bien s?r ?tre dimensionn? par rapport au d?bit de l'eau dans le r?acteur
et ? la concentration en nitrate de l'eau ? traiter, ce qui complique singuli?rement
le probl?me. De plus le syst?me est relativement peu tol?rant par rapport
au d?bit, d'autant plus que pour pratiquer cette respiration nitrate, les
bact?ries h?t?rotrophes en question doivent ?tre maintenues dans des conditions
de teneur en oxyg?ne dissous assez pr?cise qui font qu'? partir d'un certain
d?bit d'eau il devient difficile, m?me par apport important de glucose,
de r?aliser la r?action.
Enfin le d?marrage de la r?action est assez lent puisqu'il faut compter
de l'ordre de quatre ? cinq semaines avant d'?tre en mesure de produire
une eau sans nitrate et que pendant les trois derni?res semaines du processus
il y a production continuelle de nitrites.
Fin 1990, je me suis donc rapproch? du professeur Guy Martin sp?cialiste
du traitement de l'eau ? l'Ecole Nationale Sup?rieure de Chimie de Rennes
o? j'avais termin? mes ?tudes d'ing?nieur chimiste en 1978. Il avait lui-m?me
mis en ?uvre un proc?d? de biod?nitratation autotrophe sur soufre pour
potabiliser de l'eau douce destin?e au r?seau d'adduction. Toutefois il
ignorait compl?tement la possibilit? de faire de m?me en eau de mer et
l'incidence d'un tel proc?d? sur la faune et la flore d'un aquarium marin.
2) Ma premi?re exp?rience
Apr?s avoir longuement h?sit? jusqu'en septembre 1991 je me suis enfin
d?cid? ? faire l'exp?rience sur un bac de 200 litres contenant des poissons
marins, des algues sup?rieures de type caulerpes et des oursins. Pour ce
faire j'ai construit un r?acteur sous la forme d'un cylindre de hauteur 40
cm et de diam?tre 7, 5 cm que j'ai rempli de 2 kg de soufre et dans lequel
j'ai dirig? une petite partie du flux sortant d'un filtre EHEIM. Le d?bit
initial ?tait de 10 gouttes/minute soit 60 ml/h. Deux jours apr?s la mise
en eau du syst?me j'ai constat? que la teneur en nitrite ? la sortie de
celui-ci ?tait tr?s importante de l'ordre de 5 mg par litre de N-NO2 (unit?
de mesure du test TETRA, soit 16 mg/l de NO2), ce qui n'a eu aucune incidence
sur l'aquarium lui-m?me compte tenu du tr?s faible d?bit permettant ?
la petite quantit? de nitrites produits d'?tre oxyd?s en nitrates par la
filtration a?robie de l'aquarium. Le troisi?me jour les nitrites en sortie
de r?acteur sont retomb?s ? 0 et j'ai alors pu mesurer la teneur en nitrate
de l'eau produite qui ?taient ?galement de 0 ; il est ? noter que dans
le bac la teneur de nitrate ?tait de 37 mg par litre environ quand l'exp?rience
a d?marr?. Nitrite et nitrate ?tant tomb?s ? 0 j'ai alors pu augmenter
graduellement le d?bit, tout d'abord ? 30 gouttes/mn puis l l/h et enfin
jusqu'? 10 l/h, sans voir r?appara?tre ni les nitrites ni les nitrates.
En revanche l'eau sortant du r?acteur s'est tr?s vite r?v?l?e tr?s acide
pour de l'eau de mer puisque le pH ?tait de l'ordre de 6 ? 6,5. J'ai donc
rajout? une hauteur de 10 cm de maerl en haut de colonne pour tamponner cette
eau, ce qui m'a permis de remont? le pH de fa?on significative. Toutefois
en raison de l'acidit? produite et les nitrates ?tant tr?s vite redescendus
en de?? d?s 10 mg/ l dans le bac, j'ai d?cid? de r?duire le d?bit pour
?viter de baisser trop le pH de l'eau du bac. J'ai ensuite travaill? dans
une fourchette de d?bits se situant entre 1 ? 2 litres par heure, que je
r?glais en ?crasant le tuyau d'entr?e du r?acteur par une pince de Mohr.
Cette exp?rience s'est poursuivie de nombreux mois sur ce m?me bac qui tourne
toujours 9 ans apr?s avec le m?me r?acteur, m?me si celui-ci a ?t? arr?t?
quelques semaines lors d'un d?m?nagement. L'exp?rience s'?tant r?v?l?e
positive et sans cons?quence n?gative sur l'ensemble de la faune et de la
flore pr?sente dans l'aquarium test?, j'ai d?cid? quelques mois plus tard
en 1992 de la mettre en ?uvre sur un bac de 240 l peupl? de coraux mous
et durs ? longs polypes, puis ensuite de coraux ? polypes courts que nous
commencions ? trouver sur le march? ? l'?poque.
Ce deuxi?me r?acteur que j'ai construit ?tait en tout point identique au
premier ? l'exception de la partie destin? ? tamponner le pH de l'eau de
sortie qui ?tait constitu? alors d'une deuxi?me colonne identique ? la
premi?re et remplie de maerl de fa?on ? obtenir en sortie un pH pratiquement
identique ? celui de l'eau entrant dans le r?acteur ? soufre.
Diff?rentes exp?riences ont ensuite ?t? men?es jusqu'? fin 1994 sur
des aquariums "domestiques" de teneur initiale en nitrate variable, et aucune
cons?quence n?gative n'ayant ?t? constat?e, mais bien au contraire, le
syst?me s'?tant rapidement r?v?l? comme tr?s efficace pour maintenir
un taux de nitrate faible dans un aquarium m?me tr?s nourri, j'ai d?cid?
fin 1994 de le faire conna?tre pour que chacun puisse l'utiliser.
Une premi?re exp?rimentation pilote a ?t? r?alis?e ? l'aquarium du
Mus?e des Arts Africains et Oc?aniens ? Paris. Cette exp?rience positive
a incit? Michel HIGNETTE conservateur de cet aquarium ? la mettre en ?uvre
sur l'ensemble du circuit d'eau de mer de 45 000 L o? il a baiss? en quelques
semaines le taux de nitrate de 300 mg/l ? environ 10 mg/l.
Lorsque ensuite en mai 1996 j'ai pris la direction technique et scientifique
de l'aquarium de Saint-Malo, j'ai mis en place rapidement des r?acteurs de
diam?tre 315 mm et de hauteur 2 m. La seule modification entreprise alors
par rapport aux premi?res exp?rimentations a ?t? l'utilisation de soufre
en billes de 3 ? 5 mm utilis? en ?nologie. En effet les premi?res exp?rimentations
avaient ?t? faites sur du soufre en canon cass? au marteau et qui produisait
une granulom?trie assez irr?guli?re conduisant parfois ? des colmatages
de la colonne. Quand il s'agissait de remplir une colonne de 150 kg, ce travail
devenait fastidieux.
Ces billes de soufre permettent le passage facile de l'eau sans colmatage.
La colonne de soufre est suivie de une voire de deux colonnes de maerl de
volume et de g?om?trie identique. Un article ? ?t? publi? en commun
en 1996 ? l'occasion du congr?s de l'EUAC (Union Europ?enne des Conservateurs
d'Aquarium) : "Elimination des nitrates par filtration biologique autotrophe
sur soufre en aquariologie marine" par Michel Hignette, Benoit Lamort, Marc
Langouet, S?bastien Leroy et Guy Martin.
3) Le biod?nitrateur sur le soufre : pour quoi faire aujourd'hui ?
Aujourd'hui en aquariologie r?cifale deux m?thodes principales se sont d?velopp?es
: la m?thode dite berlinoise probablement la plus r?pandue, en tout cas
en Europe, et la m?thode Jaubert qui favorise la r?duction des nitrates
en azote par processus ana?robie h?t?rotrophe dans le bac m?me, dans une
couche de sable ?paisse dispos?e sur un pl?num.
Ces deux m?thodes donnent toutes deux d'excellents r?sultats, toutefois
il arrive couramment au moins de fa?on ponctuelle que des personnes les utilisant
soient confront?es pour une raison ou pour une autre ? une mont?e de nitrates
au del? du souhaitable ( due par exemple ? un sous ?cumage, voire un sur?cumage
dans le cas de la m?thode berlinoise) : dans ce cas la biod?nitratation
autotrophe sur soufre appliqu?e de fa?on ponctuelle ou continue permet de
retrouver un taux de nitrate appropri?.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que l'aquariophilie r?cifale m?me si
elle est tr?s orient?e vers les coraux photosynth?tiques, a encore de tr?s
nombreux progr?s ? faire en ce qui concerne les coraux non photosynth?tiques.
Ces coraux ont besoin d'?tre nourri abondamment et en g?n?ral peu ?clair?s
ce qui rend souvent inapplicable les deux m?thodes pr?c?dentes sans un
compl?ment technique pour traiter sp?cifiquement le probl?me des nitrates.
Pour finir il ne faut pas oublier que l'aquariophilie marine ne se r?duit
pas ? la seule aquariophilie r?cifale mais que l'on peut ?tre int?ress?
par la r?alisation de bacs pour les poissons seuls, ou en tout cas fortement
charg?s en poissons avec pr?sence de quelques invert?br?s qui en r?gle
g?n?rale supporte eux tr?s mal les teneurs en nitrate ?lev?es. Enfin
je ne voudrais pas oublier non plus ici les heureux possesseurs de grands
bacs de plusieurs milliers de litres et les aquariums publics o? la m?thode
berlinoise est peu d?velopp?e en raison des difficult?s qu'elle pr?sente
? la mise en ?uvre sur des grands volumes.
4) Biochimie de la d?nitratation autotrophe sur soufre.
Des bact?ries ana?robies facultatives telles que Thiobacillus denitrificans
ont la facult? quand elles sont priv?es d'oxyg?ne dissout (milieu hypoxique
c'est ? dire ? faible teneur en oxyg?ne) de prendre pour respirer les atomes
d?oxyg?ne pr?sents dans l'ion nitrate (ou nitrite d'ailleurs ) et de les
transf?rer sur le soufre S ou ses d?riv?s (S- , H2S,...) pour les oxyder
en sulfates ; c'est ce que l'on appelle la respiration nitrate.
La st?chiom?trie de la r?action n'a ? ma connaissance jamais ?t? ?tudi?e
en eau de mer o? la m?thode n'avait pas ?t? exp?riment?e auparavant,
bien que des travaux tr?s r?cents semblent montrer que le processus ait
?t? observ? dans le milieu marin. En revanche en eau douce et sur le soufre
ou elle a ?t? ?tudi?e, la st?chiom?trie suivante a ?t? propos?e :
11 S + 10 NO3- + 4.1 HCO3- + 0.5 CO2 + 1.71 NH4+ + 2.5 H2O ---> 0.92 C5H7NO2
+
11 SO4-- + 5.4 N2 + 9.62 H+
Il faut bien noter pour ceux qui ne sont pas familiers de ces r?actions biochimiques
et non chimiques, que ce sont des ?quations approch?es ; C5H7NO2 y repr?sente
la biomasse. Le soufre sert ? la fois "d'aliment" ( il apporte l??nergie
) et comme il est non soluble dans l'eau, il est en m?me temps support de
colonisation pour les bact?ries : tout l'int?r?t de cette m?thode est
que les bact?ries disposent en permanence d?une source d'?nergie sans
avoir ? nourrir le syst?me, ni d'ailleurs ? avoir ? ajouter quoi que ce
soit. Le soufre est consomm? tr?s lentement mais il faut de tr?s nombreux
mois pour s'en rendre compte
En eau de mer, la pr?sence du tampon carbonat? r?agit avec H+ et modifie
certainement la r?action qui, au global, s'avère expérimentalement
productrice de gaz carbonique et non consommatrice : en effet le d?gazage
de l'eau acide produite ? ce stade conduit ? un pH sensiblement ?gal ?
celui de l'eau de mer avant r?action.
5) La mise en ?uvre de la m?thode de biod?nitratation autotrophe sur
soufre
a) Le r?acteur
Pour une eau ? traiter dont le taux de nitrate est inf?rieur ? 50 mg par
litre, on peut retenir comme r?gle g?n?rale que le volume du r?acteur
? soufre exprim? en litre doit ?tre ?gal ? environ 1% du volume du bac.
Pourquoi exprimer ce dimensionnement en volume et non pas en masse ? Tout
simplement parce que lorsque l'on doit construire un r?acteur c'est bien
entendu sa g?om?trie qui gouverne ? la construction et non pas la masse
de soufre.
Toutefois on peut indiquer que le soufre en billes de diam?tre moyen 3 ?
5 mm a une densit? de l'ordre de 1,15 qui permet d?estimer la quantit?
de soufre ? acheter. Bien ?videmment une autre granulom?trie conduira ?
une autre densit?. ? ce sujet je vous d?conseille vivement l'utilisation
de soufre en fleur (c'est-?-dire en poudre) compte tenu de sa tr?s grande
propension ? se colmater.
Dans les premiers centim?tres de la colonne de soufre l'eau commence par
se d?charger de son oxyg?ne, en effet les bact?ries ana?robies facultatives
commencent par respirer l'oxyg?ne dissout, ce qui est moins consommateur
d'?nergie pour elles que la respiration nitrate : comme c'est cette deuxi?me
respiration qui nous int?resse pour ?liminer les nitrates, il convient donc
de r?aliser une colonne suffisamment longue pour que le parcours de l'eau
en zone ana?robie soit suffisant.
D'autre part une colonne trop large par rapport ? sa hauteur facilite l'instauration
de chemins pr?f?rentiels de l'eau ? travers le soufre, l'eau ayant bien
entendu tendance ? utiliser le plus court chemin pour aller vers la sortie
du r?acteur. Dans le cas de chemins pr?f?rentiels une partie de la colonne
peut ?tre le si?ge de r?actions parasites li?es ? l'absence totale d'oxyg?ne.
M?me si la r?action biologique recherch?e est assez tol?rante par rapport
? la teneur en oxyg?ne dissout, il n'en reste pas moins que trop ?lev?e
cette teneur n'autorise pas la respiration nitrate et que trop faible elle
permet l'installation d'autres souches bact?riennes que celles recherch?es,
ce qui peut conduire ? la cr?ation de zones tr?s r?ductrices susceptibles
dans certains cas particuliers de produire des sulfures ? odeur caract?ristique.
Pour ?viter cela il suffit que l'ensemble de la colonne de soufre soit baign?e
par un d?bit d'eau homog?ne et le plus r?gulier possible : ceci est obtenu
ais?ment en utilisant une colonne de hauteur au moins cinq fois sup?rieure
au diam?tre, et en faisant circuler l'eau verticalement de bas en haut. Dans
les phases initiales de fonctionnement d'un r?acteur aliment? par une eau
assez charg?e en nitrate, la production d'azote gazeux peut d?passer la
solubilit? de l'azote dans l'eau. Dans ce cas il y aura d?gagement d'azote
? l'int?rieur m?me du r?acteur. Ce d?gagement compte tenu des faibles
d?bits d'eau dans ce r?acteur et des nombreux obstacles que constituent
les billes de soufre risque de se trouver pi?g? ? l'int?rieur si le flux
d'eau ne l'aide pas ? sortir. La meilleure solution est donc d'avoir un flux
d'eau vertical de bas en haut puisque bien entendu la tendance naturelle du
gaz est de monter.
Un tel r?acteur dimensionn? ? 1% en soufre du volume du bac sera tr?s
difficile ? d?marrer, voire impossible ? d?marrer si le taux de nitrate
de l'eau ? traiter est sup?rieur ? 50 mg par litre. Dans ce cas il faudra
choisir entre la construction d'un r?acteur de volume plus important (par
exemple 2 % en soufre si le taux de nitrate est compris entre 50 et 100 mg/litre)
mais qui ensuite s'av?rera probablement trop grand une fois que l'on sera
repass? sous la barre des 50 mg/l, ou bien il faudra pr?alablement redescendre
le taux de nitrate en de?? de 50 mg/l par un changement d'eau important.
En effet il est toujours possible de travailler ? 100 mg/l avec un volume
de 1%, mais il conviendra alors de r?duire consid?rablement le d?bit de
passage de l'eau, ce qui rendra impossible, dans un aquarium o? l'on continuera
? nourrir et dont ? charger en nitrate, de parvenir ? faire baisser le
taux de nitrate de fa?on significative.
b) Les colonnes de substrat calcaire
Pour ?viter la production d'une eau trop acide je vous recommande en sortie
de r?acteur ? soufre de faire passer l'eau dans un second puis de pr?f?rence
un troisi?me r?acteur identique au premier, tant en g?om?trie, qu'en ce
qui concerne le sens de passage de l'eau, mais rempli de substrat calcaire
: le volume du substrat calcaire qui remplira ces r?acteurs sera donc ?gal
? une ou plut?t ? deux fois celui du soufre.
Dans toutes les exp?riences que j'ai conduites personnellement le substrat
calcaire utilis? a ?t? du maerl. Certains ont depuis utilis? ?galement
d'autres substrats : l'essentiel est d'avoir une granulom?trie suffisamment
fine pour avoir une surface d'?change suffisante, sans toutefois atteindre
une trop grande finesse qui sera in?vitablement source de colmatage. Il ne
faut pas oublier que l'acidit? relativement importante de l'eau produite
par le r?acteur ? soufre conduira t?t ou tard ? la r?duction de ce substrat
calcaire en fines particules, puis en bouillie dans laquelle l'eau ne pourrait
plus passer ; pour cette raison ma pr?f?rence va ? une granulom?trie variant
de 1 ? 5 millim?tres. Il est bien s?r indispensable d'utiliser comme dans
tout r?acteur ? calcaire (puisqu'il s'agit bien de cela) un substrat n'entra?nant
pas la formation excessive d'ions g?nants lors de sa dissolution ; je pense
bien entendu aux phosphates mais aussi aux m?taux lourds.
c) Le d?bit
Pendant la phase initiale de d?marrage du processus biologique le d?bit
doit ?tre r?gl? le plus bas possible et en tout ?tat de cause ne doit
jamais exc?der une goutte par seconde et par fraction de 2 L de soufre (autrement
dit 2 gouttes par seconde reste acceptable pour un r?acteur de 4 L de soufre).
Ce point est particuli?rement important et semble avoir ?t? assez mal compris
de beaucoup lorsque j'ai commenc? ? communiquer sur cette m?thode. En effet
il y a production rapide de nitrites pendant la phase de d?marrage, c'est-?-dire
g?n?ralement dans les trois premiers jours apr?s la mise en circulation
de l'eau dans le syst?me. Si le d?bit est suffisamment faible tel que pr?conis?
pr?c?demment, cette petite production de nitrites n'a aucune incidence sur
le bac, mais cette assertion n'est bien s?r plus vraie si l'on travaille
? des d?bits forts.
Par ailleurs dans la phase initiale d'installation des bact?ries ana?robies,
il est particuli?rement important de faire en sorte que la plus grande partie
du volume du r?acteur ? soufre soit en phase la plus possible hypoxique
pour que les bact?ries recherch?es s'installent au plus vite ; pour cela
un d?bit tr?s faible est ?galement favorable.
Une fois la flore bact?rienne bien ?tablie on constate que l'eau qui sort
du r?acteur voit brutalement son taux de nitrites baisser en g?n?ral en
quelques heures. Si les conditions pr?conis?es ci-dessus sont respect?es
cela se produit en g?n?ral entre le 3e et le 5e jour apr?s le d?marrage,
et c'est seulement ? ce moment l? que l'on peut augmenter graduellement,
en quelques jours, le d?bit jusqu'? la vitesse de croisi?re que l'on peut
estimer pour d?marrer ? 1 l par heure et par litre de soufre. Si je donne
une valeur de d?bit pour d?marrer et non une valeur d?finitive c'est tout
simplement que chaque aquarium est diff?rent et que selon le taux de nitrate
pr?cis au d?part, l'apport quotidien de nourriture, la propre capacit?
du bac ? r?duire les nitrates en azote, il ne peut ?tre question de donner
une valeur pr?cise au param?tre d?bit ; en revanche cette valeur indicative
de d?part suivi de quelques mesures de taux de nitrate dans les semaines
et mois qui suivent permettront en fonction des param?tres propres au bac
de d?terminer un d?bit de croisi?re.
Il est ? noter que si l?on augmente trop vite le d?bit par rapport au
taux de nitrate et au volume de soufre on peut voir des nitrites et des nitrates
r?appara?tre en sortie de r?acteur suite ? une r?action incompl?te.
Par contre il est rare de produire des sulfures (caract?ris?s par une odeur
proche des ?ufs pourris) ; ceci ne se produit que dans le cas de d?bit excessivement
faible dans le r?acteur (? la limite de l'arr?t, par exemple par colmatage)
ou dans le cas de chemins pr?f?rentiels conduisant ? la non irrigation
d'une partie du r?acteur et ? la r?alisation d?un milieu anoxique (c'est
? dire priv? totalement d'oxyg?ne) ; la production de sulfures est sans
cons?quence dans la mesure o? ils sont toujours li?s ? un d?bit tr?s
faible et donc que leur quantit? n?gligeable est r?oxyd?e en sulfate dans
le bac.
Leur pr?sence est d'autant plus rare que Thiobacillus denitrificans
en condition ana?robie est elle-m?me capable d?oxyder les sulfures en
sulfate au m?me titre que le soufre. En revanche lors d'un d?colmatage on
ne laisse pas le temps aux bact?ries de faire cette transformation et des
sulfures peuvent sortir en faible quantit? du r?acteur.
d) Comment r?gler le d?bit ?
Pour alimenter le r?acteur, l'eau peut ?tre pr?lev?e directement par une
pompe ? l'int?rieur de l'aquarium, ou par r?alisation d'une d?rivation
sur un circuit eau d?j? existant. Il ne faut pas oublier qu'une telle colonne
de soufre suivie de une, voire deux colonnes de substrat calcaire, repr?sente
quand m?me une perte de charge non n?gligeable, surtout apr?s quelques
mois de fonctionnement, car la biomasse peut venir colmater en partie la colonne
de soufre et surtout les colonnes de calcaire o? le substrat attaqu? produira
de fines particules comme expliqu? pr?c?demment ; pour cette raison il
est souhaitable que l'alimentation en eau du syst?me permette de temps en
temps, lorsque le d?bit semble baisser, d'envoyer pendant quelques instants
de l'eau sous pression pour d?colmater ?ventuellement le syst?me.
On peut consid?rer grosso modo qu'une pompe de d?bit horaire ?gal ? 100
fois ? 200 fois le volume de soufre doit permettre cette op?ration (200
? 400 l/h pour une colonne de 2 litres de soufre) m?me si bien entendu ce
n'est pas le d?bit de la pompe qui compte mais sa facult? ? envoyer l'eau
sous pression.
En fonctionnement quotidien le faible d?bit requis peut ?tre obtenu de pr?f?rence
en ?crasant le tuyau d'entr?e du r?acteur avec un dispositif type pince
de Mohr (?trier EHEIM par exemple), au moins pour les petites installations
n?cessitant de tr?s faibles d?bits. Il vaut mieux ?craser le tuyau en
entr?e qu?en sortie pour faciliter la sortie ?ventuelle de gaz.
Bien que je n'aie jamais utilis? personnellement cette solution technique,
il me semble que les pompes p?ristaltiques, bien que plus on?reuses, permettraient
?galement d'assurer cette fonction.
e) La d?croissance des nitrates dans le bac
Une fois la r?action d?marr?e le taux de nitrate va baisser assez vite
dans l'aquarium ; toutefois la d?croissance ne sera pas lin?aire mais de
type exponentiel puisqu?en permanence l'eau exempte de nitrate issue du
r?acteur sera rem?lang?e avec l'eau du bac.
D'autre part l'alimentation des animaux continuera ? produire des nitrates
qui s'opposeront ? la baisse du taux de nitrate dans le bac. Il est donc
tr?s difficile de pouvoir calculer en combien de temps le bac aura retrouv?
un taux de nitrate acceptable ; en g?n?ral ceci intervient en quelques semaines
? l'issue desquelles il est conseill? de redescendre le d?bit du r?acteur
de fa?on ? entretenir tout juste le taux de nitrate vis?.
Il ne faut pas oublier que le syst?me est producteur de calcium par dissolution
du substrat calcaire et que le fait de laisser fonctionner le r?acteur ?
des d?bits assez ?lev?s peut conduire ? des taux de calcium dans le bac
tr?s importants au cours du temps : il a parfois ?t? observ? des taux
de calcium sup?rieurs ? deux fois la dose naturelle de l'eau de mer et m?me
si personnellement je n'ai jamais enregistr? de cons?quence n?faste de
tels taux, certains ont not? au-dessus de 800 mg par litre de calcium des
pr?cipitations calciques dans l'aquarium.
Les bact?ries en jeu sont capables de travailler en pr?sence d?une tr?s
faible teneur en nitrate et donc de r?duire le taux de nitrate dans le bac
? des valeurs ind?tectables (inf?rieures ? 0.5 mg /l ) par les tests utilis?s
en aquariophilie.
f) Les sulfates
On a vu que Thiobacillus denitrificans ?tait capable d'oxyder tous
les d?riv?s du soufre ( S, S-, H2S...) en sulfates. La question qui se pose
donc imm?diatement est le devenir de ces sulfates dans un bac en circuit
ferm?.
Il faut tout d'abord noter que la concentration en sulfate de l'eau de mer
est de 2,65 g par litre (900 mg/litre environ exprim?s en soufre dans les
sulfates). M?me si la r?duction d'un ion nitrate en azote produit 1,1 ions
sulfate, il faut donc avoir transform? une quantit? importante de nitrate
pour commencer ? augmenter de fa?on tr?s significative le taux de sulfate
dans l'aquarium.
De plus, Michel HIGNETTE conservateur de l'aquarium du Mus?e des Arts Africains
et Oc?aniens ? Paris a constat? lors d??tudes r?centes que les sulfates
?taient pi?g?s par les colonnes de calcaire destin?es ? tamponner l'acidit?
de l'eau et que le taux de sulfate sur un bac en fonctionnement dans les conditions
pr?conis?es restait donc pratiquement stable sur une longue p?riode. Le
substrat calcaire, qui petit ? petit se r?duit en boue par attaque acide,
devant ?tre remplac? apr?s un certain temps d?utilisation (malgr? tout
assez long), les sulfates produits se trouvent ainsi ?limin?s.
g) Le KH et le pH
Sur un aquarium o? le syst?me est utilis? ? un d?bit faible juste pour
?viter la mont?e des nitrates, on constate une stabilit? du KH et du pH
sur des longues p?riodes (plusieurs mois voire ann?es) sans changement d'eau.
En revanche lorsque l'on travaille ? d?bit ?lev? par exemple dans le but
de faire baisser rapidement la teneur en nitrate d'un aquarium o? elle est
trop ?lev?e, il est n?cessaire de surveiller le KH et le pH qui peuvent
montrer une tendance ? la baisse particuli?rement le KH si l'on a sous dimensionn?
les colonnes de substrat calcaire.
La mesure du pH en sortie de colonne calcaire permet bien entendu lorsqu'il
est bas d'anticiper la survenance de la baisse du pH et du KH du bac. Il est
? noter qu'un d?gazage ?nergique par a?ration de l'eau sortant du r?acteur
? soufre permet de faire remonter son pH au niveau de celui du bac, montrant
ainsi que l'acidit? de cette eau est due, en tout cas pour l'essentiel, ?
la pr?sence de gaz carbonique dissout.
h) L'influence des traitements
La r?duction des nitrates par cette voie ?tant li?e ? l'activit? biochimique
de bact?ries, il est bien entendu prudent de ne pas perturber cette activit?
par l'ajout dans le bac de substances bact?riostatiques ou bact?ricides
telles qu?antibiotiques.
En cas d?arr?t de la r?action li? ? leur emploi, il est conseill? de
r?ensemencer le r?acteur avec une petite quantit? de soufre "neuf" et de
reprendre la proc?dure de d?marrage comme lors de la premi?re fois.
En revanche je n'ai jamais not? de cons?quences sur le fonctionnement du
r?acteur li? ? l'utilisation du sulfate de cuivre.
i) L?arr?t du r?acteur
En cas de besoin, on peut arr?ter le r?acteur et le remettre en marche assez
ais?ment ? condition de maintenir une population suffisante de bact?ries
en vie. La meilleure solution est de vider le r?acteur de son eau et de le
fermer pour ?viter au soufre de s?cher ; dans ce cas la remise en route
s?effectue en g?n?ral tr?s rapidement. Pour plus de s?curit? il convient
toutefois de surveiller les nitrites en sortie de r?acteur et de limiter
le d?bit s?ils r?apparaissent, comme lors du premier d?marrage.
Si l'on a maintenu le r?acteur en eau, arr?t? pendant un d?lai assez long,
il convient, soit de jeter l?eau contenue dans celui-ci et de proc?der
ensuite au red?marrage comme d?crit plus haut, ou bien alors d?envoyer
cette eau dans le bac ? tr?s faible d?bit si l'on ne peut pas faire autrement.
En effet l?eau ayant stagn? dans le r?acteur en milieu tr?s r?ducteur
risque de contenir une quantit? importante de sulfure.
6) L?utilisation en tant que r?acteur ? calcaire
Plus r?cemment certains utilisateurs ont souhait? utiliser ce type de r?acteurs
? soufre pour leur seule facult? de produire du CO2 et en faire des r?acteurs
? calcaire. La d?nitratation autotrophe sur soufre est en effet capable
de fonctionner m?me en pr?sence de tr?s faibles taux de nitrate non d?tectable
par les m?thodes de mesure disponibles en aquariophilie (typiquement inf?rieurs
? 0.5 mg/l) et avec des taux d?oxyg?ne assez ?lev?s contrairement ?
la d?nitratation h?t?rotrophe. On peut donc ? d?bit assez ?lev? ( parfois
sup?rieur ? 5 l/h par litre de soufre ) produire une eau acide m?me une
fois le taux de nitrate du bac ind?tectable ; cette eau envoy?e sur un substrat
calcaire permet tr?s facilement d?obtenir une production importante de
calcium mais plus difficilement semble t?il de faire monter le KH.
Il est d?ailleurs probable que dans ces domaines de r?glages une grande
partie de la colonne de soufre travaille en phase a?robie et que les r?actions
ne soient plus les m?mes. Cette utilisation peut ?tre int?ressante mais
je ne l?ai pas ?tudi?e sp?cifiquement.
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