Le calcium et l'aquariophilie récifale - Mythe et réalité

Texte © Dr. Dieter Brockmann

Le calcium et l'acide carbonique ont un r?le d?cisif dans le r?cif corallien tout comme en aquariophilie r?cifale. Les deux forment ensembles les composants structurels des coraux et de nombreuses algues. Les coraux durs (scl?ractiniaires) poss?dent par exemple un squelette compos? de carbonate de calcium (symbole chimique : CaCO3) et de nombreux coraux mous poss?dent des ?l?ments de squelette constitu?s de la m?me mati?re. Les algues calcaires roses produisent, comme leur nom l'indique, une importante quantit? de carbonate de calcium. Ceci signifie, que le calcium (symbole chimique Ca) et le carbonate (symbole chimique CO32-) est utilis? en grande quantit? par ces organismes. Quelques exemples : le taux net de calcification d'un toit r?cifal h?t?rog?ne, donc la quantit? de calcaire, produite chaque ann?e, est d'environ 4 +/- 1 kg CaCO3 par m2 et ann?e (BARNES et CHALKER 1990). Ceci correspond ? 2,24 kg Ca par m2 et ann?e ainsi que 1,76 kg CO2 par m2 et ann?e. Consid?rant une production totale annuelle d'environ 900 millions de tonnes de calcaire, ceci repr?sente tout de m?me 400 millions de tonnes de dioxyde de carbone (gaz carbonique) et 500 millions de tonnes de calcium.

La synth?se du calcium par les coraux est relativement simple ? d?crire selon SCHUHMACHER (1982) : le calcaire et l'acide carbonique se d?veloppent ? partir du calcium et de l'acide carbonique en passant par un produit interm?diaire, le bicarbonate de calcium :

Ca2+ + 2 HCO3- ‹—› Ca(HCO3)2 ‹—› CaCO3 + H2CO3

Cette r?action relativement simple ne dit rien concernant l'?norme complexit? de la production de calcaire et des composants qui y participent. La production de calcaire dans les quantit?s cit?es plus haut ne serait pas possibles si les coraux n'avaient pas constitu? une ?troite symbiose avec les algues unicellulaires, les zooxanthelles. L'une des missions des zooxanthelles est la production de nutriments (substances nutritives) dont leur h?te - le corail - vit en grande partie. Ces nutriments sont acquis avec l'aide de la lumi?re solaire ? partir du dioxyde de carbone (improprement appel? gaz carbonique) ou de ses compos?s en utilisant le processus de la photosynth?se et sont ensuite mis ? la disposition de l'h?te. Ce processus est contr?l? d'une part par l'?nergie lumineuse disponible et d'autre part ?galement par des param?tres comme la disponibilit? en calcium et en carbonates ainsi que des nutriments inorganiques, pour ne citer que quelques acteurs de ce syst?me.

En consid?rant l'?quation susmentionn?e du point de vue des zooxanthelles, celles-ci n'ont besoin exclusivement que des carbonates qui sont utilis?s pour la photosynth?se. Le calcium ne les int?resse pas. La production de calcaire est au contraire un produit secondaire, que l'on peut expliquer du point de vue exclusivement chimique: ?tant donn? que les algues prennent l'acide carbonique de la r?action, l'?quilibre de la r?action est d?cal?e vers la droite, ceci provoque un renforcement de la pr?cipitation du calcaire et ainsi une croissance rapide du squelette. D'autre part les zooxanthelles ont pourtant besoin - m?me en concentrations minimales - de nutriments inorganiques (par exemple l'azote et le phosphore). Si ceux-ci n'?taient pas disponibles en quantit? suffisante, ce qui heureusement n'est pratiquement jamais le cas dans un aquarium r?cifal, les zooxanthelles ne seraient pas photosynth?tiquement actives, ce qui aurait ? son tour une influence directe sur la production de calcaire et ainsi sur la croissance des coraux zooxanthellates. Ceci est un exemple pertinent concernant l'?troit jeu de changement des param?tres chimiques, physiques et biologiques, qui sont n?cessaires pour une croissance optimale des coraux. Si un seul de ces param?tres n'est pas rempli, le corail zooxanthellate va r?duire sa croissance, par exemple s'il y a un manque de carbonates, la concentration du calcium peut certes se situer dans la zone optimale et la qualit? et la quantit? de lumi?re ?tre extr?mement bonne, le corail ne poussera tout de m?me pas.

Dans les r?cifs de coraux cette consommation de calcium et de carbonates abord?e avant ne pose pas probl?me, car en raison de l'?norme r?servoir d'eau les quantit?s sont largement suffisantes. S'y ajoute l'apport de calcium par l'interm?diaire des rivi?res et il existe aussi des processus de dissolution des carbonates de calcium, qui approvisionnent ?galement le groupement calcium. Son comportement est comparable avec les carbonates. Le groupement dioxyde de carbone largement pr?sent dans l'air est dans ce cas largement suffisant, afin de remplacer de nouveau les carbonates pr?sents dans l'eau qui ont ?t? utilis?s. Dans les conditions restreintes d'un aquarium r?cifal cela se passe par contre diff?remment. Dans les aquariums r?cifaux, dans lesquels poussent en particulier des scl?ractinaires, des moules et des algues, le calcium peut devenir un ?l?ment d?ficient, qui doit ?tre r?guli?rement rajout?.

Dans l'eau de mer naturelle la concentration du calcium se situe aux environs de 420 mg/l pour une duret? carbonat?e d'environ 7° KH (SPOTTE 1979). C'est la valeur qu'il convient d'atteindre dans son aquarium r?cifal. En fonction de la population, du type d'aquarium et de son ?quipement technique ces valeurs diminueront rapidement de fa?on diff?rente et le rapport calcium/carbonate va rapidement d?river l'un par rapport ? l'autre.

Trois sc?narios sont th?oriquement possibles :
1. La concentration du calcium et des carbonates diminue de fa?on r?guli?re,
2. seule la concentration de calcium diminue et
3. seule la concentration de carbonates diminue.

Afin de suivre cette dynamique, il faut contr?ler r?guli?rement toutes les valeurs : dans l'aquarium r?cifal au moins toutes les 2 ? 3 semaines. Si la quantit? de calcium tombe en dessous de 400 mg/l et la duret? carbonat?e en dessous de 6 ?KH (ceci s'observe surtout dans les aquariums fonctionnant avec du Kalkwasser) il faut recourir ? des contre-mesures ad?quates cibl?es, afin d'emp?cher une stagnation de la croissance des coraux. Il existe pour cela en principe deux m?thodes : 1. le r?acteur ? calcaire et 2. le dosage du calcium et des carbonates. Les deux m?thodes ont leurs avantages et leurs inconv?nients ainsi que leurs sources d'erreurs. Une fois de plus il faut souligner que le processus de dosage ne doit ?tre utilis? que sous un contr?le r?gulier. Des additions non contr?l?es de calcium et de carbonates ne sont pas recommand?es, car un sous dosage ou un surdosage peuvent produire des effets pouvant mener ? la perte des animaux. Si par exemple la duret? carbonat?e augmente sur une p?riode donn?e au dessus de 16-18? KH cela provoquera la mort de nombreux scl?ractiniaires.

En r?sum? il faut retenir que les points de vue ponctuels sont difficiles dans l'aquariophilie r?cifale et ne peuvent jamais mener au succ?s escompt?. Les param?tres chimiques, physiques et biologiques seuls sont plut?t li?s ensembles au sein d'un r?seau. La modification d'un seul des param?tres peut avoir des effets dramatiques en divers points du r?seau. Le calcium ne constitue pas une exception.

Litt?rature:
BARNES, D. J. und B. E. CHALKER (1990): Calcification and Photosynthesis in Reef-Building Corals and Algae. In: Ecosystems of the World - Coral Reefs (Z. Dubinsky, ed.), pp. 109-133. Elsevier, Amsterdam, Oxford, New York, Tokyo.
SCHUHMACHER, H. (1982): Korallenriffe - Ihre Verbreitung, Tierwelt und ?kologie. BLV Verlagsgesellschaft, M?nchen, Wien, Z?rich.
SPOTTE, S. (1979): Seawater Aquariums - The Captive Environment. John Wiley and Sons, New York.