Pterapogon kauderni
Extrait des "Lettres récifales" nr 6 - juillet 1997
Photo : Marcel Staebler
Aperçu
systématique :
de la famille des Apogonidae, Pterapogon kauderni fut découvert
en 1920 par un Hollandais, le Dr Kaudern et décrit par Koumans en 1933.
Nom commun :
français : Apogon noir et blanc ou poisson cardinal de l'?le Banggai,
allemand
Schwarzweisse Kardinalbarsche,
anglais : Cardinalfish of Banggai
Description, taille et remarques :
Il est noir et blanc avec de petites taches bleu ciel sur les pectorales.
Je ne vais pas faire une description d?taill?e de ce poisson, une photo est
plus explicite.
Répartition géographique et biotope :
Son biotope très réduit, près de l'Île Banggai
en Indonésie, en font tout de suite un poisson rare que l'Armée
indonésienne doit protéger des exportateurs. Il vit dans les
prairies d'algues devant les récifs, parfois entre les piquants
des oursins (Diadema).
Maintenance et reproduction :
Son prix élevé a rapidement chuté car la reproduction
s'avère "facile", du moins comparée à celle
des autres poissons marins.
De nombreux apogons sont connus pour être des incubateurs buccaux.
La plupart des
incubateurs buccaux marins relâchent environ 6 jours après des
larves planctoniques qui possèdent soit une réserve vitelline,
soit se nourrissent immédiatement de plancton. Chez l'Apogon noir et
blanc, les oeufs sont pris dans la bouche du mâle par la suite et les
jeunes sont expulsés quand ils atteignent une taille de 10 mm.
Les oeufs
sont déjà très gros pour ce petit poisson (2,5 mm).
Alors qu'il se trouvait hospitalisé, un aquariophile allemand donna
par téléphone les consignes à son épouse, pour
assurer l'élevage des jeunes. C'est l'épouse inexpérimentée
qui éleva sa première reproduction.
Les jeunes ne sont bien sûr pas très nombreux, entre 6 et 20
exemplaires d'après les premières observations, cela dépend
évidemment de la taille des adultes.
Les jeunes peuvent tout de suite être nourris avec des nauplius d'artémias,
ce qui évite l'élevage de plancton.
Bien que dans la plupart des commerces aquariophiles, les poissons sont élevés
en petit groupe, leur maintenance en couple est conseillée. Le musée
de Karlsruhe avait acquis 8 de ces poissons, bientôt un couple dominant
se dégageait et relèguait les autres en seconde zone.
Ce couple fut retiré et mis dans un autre bac. Sur les 6 poissons restants,
un autre couple de dominant se forma.
Les quatre poissons dominés furent retirés et mis dans un bac
d'exposition.
Un aquariophile allemand acheta le couple dominant en ma présence.
Avant de les attraper, il distribua de la nourriture que les quatre poissons
prirent avec appétit. Puis le responsable (M. Kirchhauser) attrapa
le couple dominant et le donna à l'aquariophile, content d'avoir un
couple de ses poissons relativement rares. Une discussion d'à peine
5 minutes devant cet aquarium et déjà les deux poissons restants
avaient pris le devant de la scène, c'est-à-dire le milieu de
l'aquarium. C'est une preuve que ces poissons ne sont pas trop timides, car
en plus, le bac ne comportait pas beaucoup de cachettes ce qui rend en général
les poissons craintifs.
Bien que peu timide (mais il ne faut pas les mettre avec de gros poissons)
les apogons noirs et blancs sont difficiles à habituer à la
nourriture de substitution (artémias par exemple).
Ils sont certes plus actifs le soir, mais toutefois toujours visibles de jour.
Dans leurs milieux d'origine ils se nourrissent de plancton qu'ils prennent
en pleine eau, jamais sur le sol ou dans le décor. Cette particularité
en ferait un poisson idéal pour les bacs d'invertébrés
ou même pour des bacs récifaux, mais supporte-t-il la présence
de coraux à plus longs termes?
Remarques :
Il est toutefois malheureux, que de nombreux aquariophiles croyant, que ce
poisson se maintient bien en groupe en ont achetés souvent en nombre
peu raisonnable (10-20 voire 50, quand on aime on ne compte pas) et après
une hécatombe n'en ont gardé que deux. Cela est très
préjudiciable à dame nature.
Ce sont des actions de ce genre qui donnent une mauvaise réputation
aux aquariophiles.
J'espère que les membres de Récif France seront plus raisonnables.
Quelques poissons (4 ou 5) suffisent pour constater qu'on ne peut pas les
garder longtemps en groupe, sauf peut être si les poissons ne se sentent
pas en confiance (manque d'abris par exemple) ou en aquarium sans abris avec
seulement des algues comme dans leur milieu naturel.
Marcel Staebler
EXPÉRIENCE PERSONNELLE DE MEMBRES DE RÉCIF FRANCE
Le 28 décembre
1996 j'ai introduit dans mon bac 2 Pterapogon kauderni. Mon bac contient
principalement des alcyonaires, des madrépores et quelques poissons
tels que Zebrosoma flavescens, Nemateleotris magnificus, Pseudochromis
paccagnellae et Labroides dimidiatus.
Les caractéristiques de l'eau sont les suivantes:
pH: 8,5
salinité: 1024
nitrates: < 10 mg/l
nitrites: < 0,1 mg/l
phosphates: < 0,25 mg/l.
Le Pseudochromis se montre le plus agressif.
Les 2 Pterapogon se réfugient dans un coin de l'aquarium, derrière
une pompe de circulation où ils se retrouvent à l'abri.
Lors du nourrissage, les premiers jours, ils ne sortent pas de leurs coins.
Il me faut présenter la nourriture devant eux pour qu'elle soit avalée
rapidement. Dès qu'un Pterapogon sort de son coin il se fait
rappeler à l'ordre par les plus agressifs des poissons: les Pseudochromis.
Après trois semaines le couple devient plus audacieux et commence à
sortir pour chercher la nourriture composée principalement par des
artémias et des moules. La nuit dès l'extinction des HQI le
couple se réfugie dans le récif.
Les 2 Pterapogons restent en couple ne se séparant que rarement.
Deux mois après leur acquisition, je constate qu'un Pterapogon
présente un gosier anormalement gros ; cela se confirme dans les jours
suivants avec l'augmentation du volume. Une incubation buccale a démarré.
Je n'ai pas observé les phases préliminaires de la reproduction,
le couple étant à l'abri dans le récif et très
timide.
D'après la littérature existante à propos de ce poisson
ce serait le mâle qui incube les alevins dans sa bouche.
Dès le début de l'incubation il refuse toute nourriture, il
n'y a que son congénère qui continue de s'alimenter normalement.
Les 7 "bébésé Pterapogon kauderni
- Photo : Jean-Claude Ringwald
Trente jours
exactement après la ponte, je constate que le gosier du mâle
n'est plus gonflé. L'éjection des jeunes a eu lieu la nuit.
J'ai la chance de trouver 7 petits dans mon bac de décantation à
l'abri des prédateurs.
Ayant un faible éclairage la nuit au-dessus du bac, les alevins ont
dù monter vers la surface, se dirigeant vers le coin le plus éclairé
et ont été entraînés par le courant dans la cuve
de décantation par le trop plein. Ne disposant pas de suite de nauplis
d'artémias, je leur donne de la moule hachée très finement
qui, à ma grande surprise, est de suite acceptée. Autre essai:
du broyat d'artémias mais le succès n'est pas le même.
Les alevins ayant une taille d'environ 10 mm acceptent sans problème
ce genre de nourriture.
Le 2e jour je leur donne des nauplis d'artémia que j'enrichis par la
suite avec du Preiss micro-plan pendant 12 à 24 heures. J'alterne les
nauplis d'artémias et le broyat de moule pendant les 15 premiers jours.
A ce régime les alevins se portent bien. Ils sont vifs, actifs et se
déplacent beaucoup. Au bout d'un mois, ils ont atteint environ 20 mm.
Je supprime les nauplis d'artémia et leur donne exclusivement des moules
hachées et des artémias broyés qui sont maintenant acceptés
sans problème. La fréquence de nourrissage est de 3 fois par
jour le premier mois et de 2 rations ensuite.
En conclusion, la reproduction de Pterapogon kauderni ne semble poser
aucun problème.
L'idéal serait d'isoler un couple dans un bac spécifique pour
observer toutes les phases de la reproduction...
Gérard Frindel
... Et l'aventure de nos protégés continuent en d'autres lieux...
N'ayant
cette année pas eu d'oiseaux tombés du nid à soigner,
mon instinct maternel souffrait d'un certain sevrage.
Lorsque début avril (97) notre ami Gérard Frindel fit part de
sa quête de parents d'adoption pour ses 7 bébés Pterapogon
je profitais de cette opportunité pour satisfaire le dit instinct.
Mon époux acceptant de leur octroyer une petite place dans son bac
à boutures. Tout compte fait ils y seraient tout à fait à
leur place puisque cet aquarium n'était réservé qu'à
des animaux reproduits en captivité.
Je suis donc devenue l'heureuse maman de ces 7 petits, agés d'un mois
environ. Ce qui m'a tout de suite frappée, fut leur comportement lors
de leur introduction dans ce bac qui n'était pas encore peuplé
d'autres poissons. Ils se sont très rapidement regroupés en
rangs serrés, tous orientés dans la même direction, un
peu comme s'il avaient fait partie d'une escadrille aérienne.
Lorsque nous les avons introduits, tous n'avaient pas la même taille
et dès le premier soir j'ai remarqué que les plus gros étaient
aussi les plus gourmands.
Suivant
les conseils de Gérard, j'ai pris l'habitude de les nourrir deux fois
par jour: vers midi, une heure après la mise en route de l'éclairage
et ensuite le soir environ une heure avant l'extinction des feux. Je leur
offre principalement des artémias (décongelés) et occasionnellement
des petits crustacés qu'ils mangent avec plus de réticence,
préférant de loin la première source de nourriture. Une
fois par semaine, ils reçoivent également quelques enchytrées.
La capture des proies est d'ailleurs le seul moment où ils se risquent
à quitter le groupe.
Pour l'instant à ce régime, ils se portent très bien.
En un mois ils ont vite grandi et ont maintenant presque tous la même
taille qui avoisine trois centimètres.
Ayant observé que les jeunes de la reproduction de monsieur Royer de
Lyon vivaient groupés dans un Diadema je leur ai mis à
disposition un de ces oursins que j'empruntais de notre bac communautaire.
Malheureusement je n'ai pas eu la chance d'observer ce genre de comportement
chez nous.
Hormis un seul d'entre eux qui se réfugie (rarement) entre les piquants
durant la nuit ou durant des intervention dans l'aquarium et éventuellement
lorsque je distribue la nourriture, les autres ignorent superbement cet échinoderme.
Peut être ne se sentent-ils pas suffisamment en danger ou sont-ils déjà
trop grands pour adopter un tel comportement ?
Pterapogon kauderni juvéniles se réfugiant dans
un oursin Diadema - Photo : Jean-Claude Ringwald
Depuis leur arrivee nous avons introduit un Calloplesiops altivelis
qui se faisait regulièrement malmener dans notre bac récifal
par un Labracinus cyclophthalmus. Mon époux se prenant pour
Stendahl avait introduit ce dernier en compagnie du poisson comète,
pensant pouvoir écrire un jour sur ces deux seigneurs un sombre article
sur "Le Rouge et le Noir".
Malheureusement cette expérience a rapidement tourné court,
le poisson fétiche des membres de Récif France ayant son panache
caudal régulièrement lacéré et même déchiqueté.
Lorsqu'un matin notre Betta de mer afficha une impressionnante blessure au
ventre mon mari décida de le mettre en compagnie de mes protégés.
Je ne vous cache pas que c'est avec beaucoup de craintes que je le laissais
faire, craignant qu'à son tour il ne s'attaque aux jeunes poissons.
Mais la situation devenant vraiment critique il fallut le changer d'aquarium.
Bien entendu, au début de cette nouvelle acclimatation je passais beaucoup
de temps à observer si tout se passait bien, prête à intervenir
si la situation devait dégénérer. Maintenant c'est avec
une certain soulagement que je peux vous dire qu'il ne semble pas que des
problèmes de cohabitation entre le Calloplesiops et mes Pterapogon
puissent encore apparaître, ces derniers ayant suffisamment grandis
pour ne plus être considérés comme des proies par le nouvel
occupant.
L' un des jeunes présentait une légère malformation de
l'opercule qui était plus court que la normale et laissait apparaître
les branchies. Bien sùr cela nuit quelque peu à l'esthétique
du poisson, mais ne semble pas l'incommoder outre mesure et il poursuit sa
croissance normalement comme les autres.
J'ai également remarqué qu'avec l'âge ils sont maintenant
moins regroupés et ne nagent plus systématiquement de concert
dans la même direction. C'est d'ailleurs avec une certaine appréhension
que j'observe un nouveau comportement tout récent: ils commencent à
se chamailler.
J'espère que je ne vais pas être obligée de les séparer
trop rapidement car je me suis attachée à eux.
Malheureusement j'entends beaucoup de commentaires sur les gens qui essayant
de maintenir des adultes en groupe ont eu des problèmes de relations
intra-sp?cifiques...
Margaret Ringwald