Les relations symbiotiques
par Jeangele le jardinier
La vision d'un poisson clown avec son anémone fascine la plupart des gens, qu'ils soient aquariophiles ou non. C'est toujours avec plaisir que l'on admire un Amphiprion se baigner dans l'anthozoaire. L'image du bain n'est en effet pas trop forte lorsqu'on voit le poisson s'élever lentement au-dessus de son anémone, puis plonger brutalement dans ses tentacules, s' y rouler de plaisir et ensuite recommencer ce manège avec allégresse. Tant de choses ont été dites sur cette étrange association qui régit la vie des poissons clowns qu'on se demande parfois où s'arrête la réalité et où commence l'imaginaire. En effet la symbiose n'est pas toujours aussi évidente qu'on le pense mais sans aller dans l'excès inverse, elle reste malgré tout réelle. Plusieurs facteurs doivent être pris en compte en ce qui concerne cette association. Dans la nature chaque espèce d'Amphiprion vit avec une ou plusieurs espèces d'anémones bien précises.
En
aquarium toutefois ces règles sont bouleversées et le poisson
clown nouvellement introduit cherchera rapidement une anémone
dans laquelle il pourra se réfugier. Si aucune anémone n'est
présente il tentera de trouver un substitut tel que les
tentacules de certains coraux ou de certains alcyonaires
(en particulier les Sarcophyton). Le panache des
vers tubicoles est également pris comme substitut et si
vraiment aucun animal n'est à sa disposition il s'approchera
d'un bouquet d'algues filamenteuses ou de Caulerpes. En ce qui concerne les panaches des vers tubicoles et des tentacules de Sarcophyton qui se rétractent au moindre effleurement il est d'ailleurs remarquable de constater que ces animaux finissent rapidement par s'habituer à la présence du clown (surtout A. ocellaris et A. percula) formant ainsi une nouvelle "symbiose" pour le moins inhabituelle. |
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Amphiprion clarckii subadulte dans une anémone Heteractis magnifica
L'acclimatation
d'un clown avec une nouvelle anémone n'est pas toujours aussi
évidente :
Pour bien comprendre le processus d'acclimatation du poisson
avec une anémone il convient d'abord de bien connaître le redoutable
système défensif que s'est constitué cette dernière au cours
de son évolution. Les tentacules des anémones sont couverts
de cellules appelées cnidoblastes. Ces cellules renferment des
capsules contenant un liquide urticant et peuvent également
éjecter des filaments urticants (cnidocystes) qui permettent
de capturer des proies. Dès qu'un corps étranger entre en contact
avec les tentacules, ceux-ci déchargent les cnidoblastes. Pour
éviter, l'émission intempestive de cellules urticantes lorsque
les tentacules se touchent, l'anémone secrète un mucus qui contient
une substance qui inhibe ces cellules. Le poisson clown profite
de cette particularité. Pour commencer, il se frotte légèrement
contre l'anémone pour s'imbiber de son mucus. Après s'être frotté
plusieurs fois contre elle, et lorsqu'il se sent suffisamment
sûr, il plonge enfin dans les tentacules. Il faut toutefois
noter que toutes les anémones symbiotiques ne sont pas toujours
acceptées par toutes les espèces Ainsi des espèces particulièrement
urticantes telles que Cryptodendrum adhesivum sont souvent
refusées par la plupart des Amphiprion alors qu'elles
sont particulièrement appréciées par A. clarkii et les
autres amphiprions de son groupe. En captivité par contre ce
dernier poisson ainsi que les autres membres du complexe ne
font que rarement bon ménage avec des anémones du genre Heteractis.
Sans doute sont-ils trop turbulents et violents pour ces anémones
qui finissent en leur compagnie par ne plus accepter d'aliments
et dépérissent de jour en jour. On a souvent parlé d'anémones
de substitution telles que certaines anémones des côtes européennes.
Si cela est vrai pour Actinia equina, Condylactis et Bartholomea, cela l'est certainement moins pour Anemonia
sulcata. Totalement ignorée par les sous-genres phalerebus
et actinicola, les quelques poissons du sous-genre Amphiprion qui s'y sont frottés, s'y sont également brûlés et ont rapidement
renoncé à toute tentative de relations avec elles. J'ai même
pu observer un Amphiprion frenatus atteint de Cryptocarion
se faire entièrement dévorer par une Anemonia sulcata.
Cela ne lui a d'ailleurs pas réussi puisqu'elle en est morte
peu après (probablement d'indigestion).
Une fois que le poisson clown s'est habitué à une anémone, que
ce soit dans la nature ou en captivité il ne la quitte plus
à moins d'en être chassé. Cela d'ailleurs est assez rare. En
captivité toutefois on a pu observer que les espèces du sous-genre Amphiprion relativement agressives et robustes arrivent
à déloger des Amphiprion moins robustes du sous-genre Actinicola ou Phalerebus.
Quoique l'on dise, les Amphiprion ne nourrissent pas
leur anémone. Les personnes qui (pourtant de bonne foi) prétendent
avoir vu cela de leurs propres yeux ne souffrent pourtant pas
d'illusions d'optique. En fait, il est vrai que le poisson ramène
des débris de nourriture (morceaux de moules, etc.) dans les
tentacules de leur hôte. Mais les aliments ainsi collés sont
plutôt dans un garde manger. Si l'anémone essaye de ramener
la proie vers son orifice buccal et que le poisson s'en aperçoit,
il essayera de la récupérer (pas toujours avec succès). Cependant
il est vrai que l'anémone bénéficie dans cette opération de
quelques miettes pour s'alimenter. Ce léger apport de nourriture
ne suffit généralement pas pour subvenir aux besoins de l'actiniaire,
et il de fournir à l'anémone le complément de nourriture nécessaire
à son maintien. Il existe encore une exception à cette situation: Cryptodendrum adhesivum aux tentacules courts et très
urticants est capable de se replier rapidement sur elle-même
et de dévorer rapidement les morceaux de nourriture, Comme je
l'ai dit précédemment il ne suffit pas de mettre un amphiprion
en présence d'une anémone pour que le tour soit joué. Certaines
d'entre elles sont trop sensibles aux turbulences de nombreux
amphiprions. Quelques espèces sont trop urticantes et seront
refusées par les poissons. De plus, pour permettre à l'anémone
de bien s'adapter au clown il convient qu'elle soit avant tout
bien adaptée à la vie en aquarium. Pour cela il vaut mieux laisser
l'actiniaire seul durant quelques semaines. Lorsque celle-ci
acceptera et digérera régulièrement la nourriture et qu'elle
étalera en permanence ses tentacules on pourra songer à introduire
les poissons. A noter qu'une bonne végétation alguale est également
bénéfique tant à l'anémone qu'aux autres animaux. Une anémone
bien acclimatée résistera bien mieux à la présence de son hôte
mais également aux attaques de prédateurs occasionnels, je pense
entre autre aux Pomacanthidés que certains aquariophiles ont
parfois tendance à introduire dans un bac contenant des invertébrés.
Pour vous donner une idée des espèces qui vivent en symbiose
dans la nature il suffit de se reporter à la partie descriptive
des espèces d'Amphiprion. On peut affirmer que l'anémone
représente pour l'Amphiprion une véritable forteresse.
Et c'est là que se trouve la véritable symbiose. En effet dans
la plupart des cas et pour la plupart des diverses espèces d'Amphiprions,
la présence de ces derniers représente une garantie d'immunité
contre les prédateurs et cela est également vrai dans un aquarium.
La plupart des Chaetodontidés et même des gros Pomacanthidés
(tels que Pomacanthodes imperator) sont éloignés par
les amphiprions lorsque ceux-ci cherchent à s'approcher de l'anémone
(alors que seul en pleine eau l'Amphiprion n'oserait
pas s'attaquer à un adversaire beaucoup plus imposant que lui).
Il est fréquent par ailleurs que même la main des aquariophiles
soit vivement attaquée lorsque ceux-ci distribuent de la nourriture
à l'actiniaire.
Pour conclure s'il est vrai que l'anémone peut se passer de
poissons et le clown de son anémone, il est pourtant préférable
pour ces derniers d'en posséder une: ceux-ci auront certainement
un comportement plus naturel, seront moins stressés et par-là
même moins sensibles aux maladies.
Enfin point très important, l'anémone symbiotique favorise la
reproduction de ces poissons.