A propos de calcium en aquariophilie marine
Jean-Jacques Eckert
Dans cet aperçu nous allons essayer d'aborder l'ensemble des informations concernant le calcium. Il ne s'agit que d'un exposé exhaustif et objectif de faits laissant toute polémique à l'écart. Si des aquariophiles marins désirent rehausser le débat qu'ils envoient leurs réflexions à : jjeckert@evc.net. Nous publierons au fur et à mesure leurs interventions.
Le calcium constitue l'un des minéraux le plus important dans l'eau de mer. La consommation de ce métal alcalin - symbole chimique Ca - est très variable dans les différents aquariums, si bien qu'une vérification et une correction régulière soient indispensables. Trois méthodes ont été développées pour l'addition de calcium en aquariophilie. Les trois méthodes fonctionnent mais ont leurs avantages et leurs inconvénients pouvant être combinées au choix.
Rôle du calciumLe calcium remplit dans tout organisme les fonctions les plus diverses. Outre le potassium, le sodium, le magnésium et les chlorures, le calcium constitue l'un des ions-réactions universels des organismes animaux. Le calcium contrôle les mouvements moléculaires des muscles striés des vertébrés et est pour cette raison stocké dans le réticulum sarcoplasmatique. Le calcium est égalemnt un important ion régulateur dans les muscles lisses et au moins dans quelques muscles cardiaques des evertébrates (non vertébrés). Même chez les amibes (unicellulaires) le calcium régule les processus de mouvement, par le fait que les structures soutenant les cellules sont construites ou décomposées. Le sens du battement des cils, par exemple des paramécies, est influencé par la concentration de calcium. Le calcium joue un rôle important dans l'adaptation à la lumière aux yeux des invertébrés, régule l'activité de l'enzyme ATPase, qui force le système énergétique cellulaire général ATP à l'émission d'énergie et stimule ainsi presque toutes les réactions biochimiques nécessitant de l'énergie. Chez les cellules nerveuses le calcium peut déclencher la libération des transmetteurs et ainsi maintenir le contact avec les autres cellules. S'y ajoute le rôle le plus évident du calcium dans le squelette, car il est un composant essentiel des os. Le calcium est un ion indispensable du métabolisme animal. Le calcium est également important chez les plantes dans l'activation de certains enzymes. Cependant le rôle du calcium est moins exploré dans le règne végétal que dans le règne animal.
Pour nous aquariophiles marins le calcium constitue la substance de construction de base importante pour les squelettes calcaires de nombreux animaux marins. Non seulement les scléractiniaires nécessitent du calcium pour leur squelette, mais aussi les coraux mous, les mollusques, les échinodermes, les vers à tubes calcaires et nombre d'autres animaux. Chez les coraux le calcium est intégré dans le squelette sous la forme de carbonate de calcium et certes sous la forme plus difficile à rendre soluble d'aragonite (une forme cristalline fibreuse). La calcite plus facile à dissoudre ne se forme pas dans les coraux. Dans de nombreuses algues l'aragonite ou le spath calcaire plus facilement solubles se forment avec une teneur élevée en magnésium.
Formation
du squelette calcaire
Comment se forme le squelette calcaire et que se passe-t'il lors
de ce processus ? Le squelette calcaire se forme en dehors des polypes
et est basé sur la précipitation du calcium : s'il y a des ions
calcium et des ions bicarbonates (dureté carbonatée) dans une solution
et que le pH dérive vers l'alcalinité, une partie des bicarbonates
est transformée en carbonates. Les carbonates ne sont cependant
pas particulièrement solubles ; lors du dépassement de la solubilité
maximale une partie des carbonates doit disparaître de la solution
et se dépose avec le calcium comme carbonate de calcium (calcaire).
La vitesse de développement du squelette calcaire dépend d'un certain
nombre de facteurs. Les algues symbiotiques sont elles présentes
ou non ? Quelle est la puissance et la durée d'éclairage, quel est
le spectre de la lumière, quelle est la température, quelles sont
les concentrations des carbonates et des bicarbonates de calcium
ou celle du gaz carbonique ? Quelles sont les valeurs du pH, les
concentrations de nitrates et de phosphates, les conditions de brassage,
l'apport d'oligo-éléments et de strontium ? La constitution générale
et l'état de stress des coraux jouent également un rôle important.
Besoins
en calcium d'un aquarium marin
Lors des premiers essais de maintenance en captivité d'organismes
marins, l'approvisionnement en calcium n'a pas joué de rôle perceptible.
Le plus souvent on ne maintenait que des poissons, occasionnellement
aussi quelques invertébrés robustes comme certaines anémones, qui
ne nécessitaient que peu de calcium. Les changements d'eau plutôt
sporadiques étaient suffisants, afin de compenser la faible consommation
de calcium.
Avec la mise en œuvre d'une technique de filtration et surtout d'une
technique d'éclairage et de brassage adéquate la consommation de
calcium s'est dramatiquement modifiée car il était possible de maintenir
dans l'aquarium des coraux mous et quelques robustes scléractiniaires.
Les coraux mous et les scléractiniaires de croissance lente nécessitaient
nettement plus de calcium que la première génération d'invertébrés.
Il fallait trouver un moyen d'ajouter du calcium complémentaire
dans l'aquarium, car les changements d'eau même avec l'eau dure
de conduite ne suffisaient plus. De nos jours de nombreux aquariophiles
marins maintiennent pour la plupart presque exclusivement que des
scléractiniaires dans leurs aquariums avec une énorme production
lumineuse et ainsi qu'une productivité importante à l'origine de
problèmes conséquents. Si dans de tels aquariums l'approvisionnement
en calcium fait défaut, la quantité de calcium peut tomber en l'espace
d'une journée de 400 mg/l à 300 mg/l, voire moins. En même temps
on utilise des bicarbonates (dureté carbonatée), ce qui fait que
ce paramètre doit également faire l'objet d'une régulation. Afin
de maintenir la quantité de calcium à une valeur régulière de 400
mg/l les aquariophiles sont dans l'obligation de recourir à l'une
ou à plusieurs des méthodes décrites ci-après pour ajouter du calcium.
L'incorporation de calcium et de carbonates dans le squelette calcaire
peut varier de pratiquement zéro à un maximum de 30 kg CaCO3 par
mètre carré, valeurs mesurées dans les écosystèmes naturels. Les
observations effectuées en aquarium font état d'environ 19 kg CaCO3
/m2 par an.
Méthodes
d'approvisionnement en calcium des aquariums marins
Il
existe trois méthodes couramment utilisées.
La
méthode du Kalkwasser
La plus ancienne méthode d'apporter du calcium dans l'eau d'un aquarium est celle du Kalkwasser ou hydroxyde de calcium. A cet effet on met une cuillère à soupe d'hydroxyde de calcium et 10 litres d'eau douce de préférence osmosée dans un récipient que l'on peut refermer puis on l'agite vigoureusement durant deux minutes. Une heure plus tard les restes qui ne se sont pas dissous se sont déposés sur le fond du récipient et le liquide limpide qui surnage peut être utilisé pour l'aquarium marin. Etant donné que le pH du Kalkwasser récemment préparé se situe aux environs de 12.5, donc fortement caustique, il faut faire attention lors de la manipulation de ce produit chimique. Si du Kalkwasser entre en contact avec la peau il faut rincer la zone atteinte avec de l'eau de conduite. |
Dans la plupart des aquariums il est possible de remplacer l'intégralité de l'eau évaporée par du Kalkwasser. Uniquement dans le cas des aquariums présentant d'entrée un pH élevé (au dessus de 8.4) la méthode du Kalkwasser doit être manipulée avec précaution. La méthode du Kalkwasser est particulièrement simple à utiliser lorsque l'eau évaporée est remplacée par un système de compensation automatique. L'eau de compensation peut dans ce cas être dérivée par un mélangeur de Kalkwasser (réacteur à calcium). La méthode du Kalkwasser est très facile à utiliser quelle que soit la taille de l'aquarium.
Un effet complémentaire du Kalkwasser est constitué par la précipitation des phosphates. A l'endroit où le Kalkwasser pénètre sous la forme de gouttes une partie du calcium peut se lier spontanément avec les phosphates en raison du pH élevé. Dans les conditions normales d'un aquarium la liaison n'est pas réversible et chute au sol comme sédiment ou atterrit finalement dans la cartouche d'un filtre rapide ou d'un filtre à sédiments. Dans les aquariums à scléractiniaires extrêmement productifs il faut utiliser en complément du Kalkwasser l'une des autres méthodes suivantes.
La méthode du bicarbonate de calcium
Dans le cadre de cette méthode on ajoute à l'eau de mer du calcium et des carbonates tampon sous forme de sels. Le sel de calcium le plus utilisé est le chlorure de calcium. Avec cette méthode il est mis en œuvre dans une juste proportion avec du bicarbonate de sodium, de manière à ce que les deux composants soient à la disposition des animaux pour la synthèse du calcium. Il faut remarquer que les deux sels doivent être ajoutés séparément à l'eau ou qu'en ce qui concerne les préparations industrielles il y ait un excellent mélange, sinon il se forme à partir des deux sels spontanément du carbonate de calcium non soluble. (Calcaire).
Afin qu'avec cette méthode il ne se produise pas de dérive graduelle de l'équilibre ionique du sodium et des chlorures restant dans l'aquarium (seuls le calcium et le carbonate sont utilisés !), il faut réaliser régulièrement un changement d'eau suffisant. La plupart des aquariophiles changent cependant régulièrement une part suffisamment importante de l'eau, ce qui compense largement une telle dérive ionique. Dans le cas d'une population mixte et d'une consommation relativement faible du calcium/carbonate 10 % par mois sont suffisants, dans le cas d'un bac à scléractiniaires avec une consommation importante de calcium/carbonate jusqu'à 25 % par mois peuvent être nécessaires. En raison des coûts relativement élevés des sels ou des solutions cette méthode est conseillée pour les aquariums de volume réduit avec une faible consommation. Veillez à ce que les sels utilisés soient de bonne qualité. La qualité relativement moins chère dite ''technique'' ne doit pas être utilisée pour les bacs marins, même si cela peut économiser quelques euros. Les préparations liquides devraient au minimum donner une indication concernant la concentration, indiquée en milligrammes de calcium par litre ou dureté par litre. L'inscription ''pour tant de litres'' ne donne pas d'indication concernant la véritable quantité présente dans la solution. Certains aquariums consomment soit plus de calcium soit plus de dureté carbonatée. En présence d'une telle constellation, l'addition séparée de calcium et de carbonate (comme sel ou solution) s'avère avantageuse, car il est possible de s'adapter à la consommation individuelle.
Il ne faut toutefois pas faire une confiance aveugle à votre test calcium. Parfois il se produit des mesures erronées, qui simulent une valeur de calcium plus élevée ou plus basse. Mesurez l'eau de votre aquarium avec des tests de différents fabricants et comparez les valeurs. Si vous mesurez une fois dans votre aquarium une quantité de calcium trop faible tandis que vos coraux sont en parfaite forme (croissance rapide, pointes de croissance bien pigmentées, polypes ouverts) n'essayez pas complètement paniqués de réajuster rapidement la valeur du calcium sur la valeur correcte, mais vérifiez d'abord le résultat avec d'autres tests.
Méthode du réacteur à calcaire
Un réacteur à calcaire est en principe un récipient clos qui est rempli d'un matériau calcaire solide. Afin de dissoudre le calcaire on introduit du gaz carbonique dans le récipient de manière à former de l'acide carbonique et que le pH baisse à l'intérieur du réacteur. Lentement le calcaire se solubilise en calcium et bicarbonate, exactement dans la proportion nécessaire à la plupart des animaux marins synthétisant du calcaire. Indépendamment de la production programmée un réacteur à calcaire produit les deux composants dans une proportions constante, qu'il est possible d'influencer légèrement par le choix du matériau calcaire (sable de corail, granulat d'algues calcaires, débris de coquillages, etc.).
L'inconvénient de cette méthode se situe dans l'eau de sortie acide, qui est obligatoirement produite par l'addition du gaz carbonique. Si le réacteur est conduit avec un rejet d'eau trop important le pH de l'aquarium peut chuter. Il s'ensuit des algues ainsi qu'une croissance d'algues visqueuses. Des modèles de réacteurs perfectionnés réduisent l'apport de gaz carbonique dans l'aquarium à l'aide d'étapes de neutralisation, qui sont installées en sortie de système. L'eau s'écoule à travers de grandes colonnes remplies de calcaire très soluble ou dans lesquelles des bulles d'air éliminent de l'eau le gaz carbonique excédentaire. Pour ces modèles il faut cependant veiller au bon rapport entre la concentration en calcium et en carbonates produits et la valeur du pH de l'eau de sortie. Si la valeur du pH est trop augmentée par les étapes de neutralisation, une partie du calcium et des carbonates solubilisés peuvent de nouveau être précipités. C'est pourquoi une telle étape de neutralisation doit être adaptée avec soin, si elle doit être reliée en complément.
En outre, il convient d'utiliser le bon matériau calcaire. Des débris coralliens utilisés par nombre d'aquariophiles peuvent selon l'origine libérer d'importantes quantités de phosphates. Mais même le meilleur granulat corallien contient toujours des phosphates car lors de la construction du squelette une partie du tissu corallien (contenant des phosphates) est intégré, qui naturellement est de nouveau libérée lors de la dissolution des débris coralliens.
Maintenance du réacteur à calcaire
La performance d'un réacteur doit être vérifiée de temps à autre, car pour certains modèles ou certains matériaux de remplissage la performance initiale est très importante mais chute rapidement vers des valeurs plus faibles. Afin de vérifier le réacteur il vous faut toujours régler le même débit d'eau. La valeur du pH dans le réacteur ou le nombre de bulles de CO2 doit rester constant. Prenez un échantillon de l'eau de sortie et mesurez la quantité de calcium ou mieux la dureté carbonatée. Si l'échantillon est trouble, laissez-le reposer durant une heure environ et mesurez ensuite le liquide limpide qui surnage.
Si vous désirez comparer la valeur avec d'autres réacteurs, il faut multiplier le degré de dureté mesuré ou la concentration en calcium par la quantité d'eau débitée (° KH x litres par heure ou par jour). Ainsi vous obtenez la valeur de la dureté/litre par heure ou jour. Si la valeur mesurée de l'eau de sortie est de 30 ° KH et le débit de l'eau d'un litre par heure, la valeur de la dureté/litre par heure est de 30 ou la valeur journalière de 720. La valeur de la dureté ou la concentration de calcium, que vous mesurez dans l'eau de sortie n'a aucune valeur pour une comparaison avec d'autres réacteurs. Soyez toujours conscients qu'un réacteur à calcaire mal utilisé peut occasionner de sérieux dégâts dans un aquarium, jusqu'à la perte totale des animaux. C'est pourquoi il est préférable de se sécuriser par l'emploi d'une appareil de contrôle du pH, dont la sonde de mesure se situe dans l'aquarium. Le contrôleur du pH doit être réglé à 7.9. Dès que la valeur du pH dans l'aquarium chute en dessous de cette valeur, la diffusion de CO2 dans le réacteur doit être arrêtée. Un contrôle régulier du calcium et de la dureté carbonatée est indispensable. Il existe des modèles de réacteur à calcaire si efficaces que leur fonctionnement doit être limité à quelques heures par jour. Il faut absolument éviter dans les aquariums marins des quantités de calcium supérieures à 500 mg/l et une dureté carbonatée supérieure à 15 ° KH.